Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée

ont fait pour le Christ ce que par sa grâce des membres fidèles pouvaient en faveur de leur Chef. Et vous, puisque le Christ est la vérité, la paix et la justice, concevez-le par la foi, enfantez-le par vos œuvres ; que votre cœur fasse pour sa loi ce qu’a fait pour son corps le sein de sa Mère. Êtes-vous étrangers à l’enfantement de la Vierge, puisque vous êtes les membres du Christ ? À votre Chef Marie a donné naissance ; à vous, c’est l’Église ; car l’Église aussi est à la fois vierge et mère ; mère, par les entrailles de la charité ; vierge, par l’intégrité de la foi et de la piété. Elle enfante des peuples entiers ; mais ils ne sont que les membres de Celui dont elle est à la fois et le corps et l’épouse ; semblable encore, sous ce rapport, à la Vierge qui est devenue pour nous tous la Mère de l’unité.

3. Ainsi donc célébrons tous avec unanimité de cœur, célébrons avec des pensées chastes et de saintes affections, le jour de la naissance du Seigneur. C’est en ce jour, comme nous le disions en commençant, que « la Vérité s’est élevée de terre ». Aussi bien ce que dit ensuite le même psaume est également accompli. En effet, comme Celui qui s’est élevé de terre, c’est-à-dire, qui est né de la chair, est descendu du ciel et se trouve au-dessus de tous[1] ; il est hors de doute qu’en remontant vers son Père, il est « la justice qui regarde du haut du ciel ». Lui-même, en promettant l’Esprit-Saint, dit expressément qu’il est la justice. Cet Esprit, dit-il, « convaincra le monde au a sujet du péché, et de la justice, et du jugement. Du péché, parce qu’on n’a pas cru en moi ; de la justice, parce que je vais à mon Père et que vous ne me verrez plus[2]. ». Telle est donc la justice qui regarde du haut du ciel. « Elle s’élance d’une extrémité du ciel et s’étend jusqu’à l’autre ». Il était à craindre qu’on ne vînt à mépriser la Vérité à cause qu’elle s’est élevée de terre, lorsque, semblable à l’époux qui sort du lit nuptial, elle s’est élancée du sein maternel où le Verbe de Dieu avait contracté avec la nature humaine une ineffable union. Afin de détourner ces mépris, et pour empêcher que malgré sa naissance admirable, malgré ses paroles et ses œuvres merveilleuses, la ressemblance de la chair du Christ avec la chair de péché ne fît voir en qui qu’un homme ; après ces mots : « Pareil à l’époux sortant du lit nuptial, il s’est élancé comme un géant pour fournir sa carrière », viennent aussitôt ceux-ci : « Il est parti d’une extrémité du ciel[3] ». Si donc, « la Vérité s’est élevée de « terre », c’était bonté de sa part, et non pas nécessité ; miséricorde, et non pas dénuement. Pour s’élever de terre, cette Vérité est descendue des cieux ; pour sortir de son lit nuptial, l’Époux s’est élancé d’une extrémité du ciel. Voilà pourquoi il est né aujourd’hui. Ce jour est le plus court des jours de la terre ; et c’est à dater de lui que les jours commencent à grandir. Ainsi Celui qui s’est rapetissé pour nous élever, a fait choix du jour qui est à la fois le moindre et le principe des grands jours. En naissant ainsi et malgré son silence, il nous crie en quelque sorte avec une voix retentissante, que pour nous il s’est fait pauvre et qu’en lui nous devons apprendre à être riches ; que pour nous il s’est revêtu de la nature de son esclave et que nous devons en lui recouvrer la liberté ; que pour nous il s’est élevé de terre et que nous devons avec lui posséder le ciel.

  1. Jn. 3, 31.
  2. Jn. 16, 8-10
  3. Psa. 18, 6-7.