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pour moi la mort ? Loin de là ; mais le péché, « pour apparaître péché, a, par une chose bonne, opéré pour moi la mort[1] ». Ainsi s’exprime l’Apôtre, et pesez avec soin tous ses termes. « Ainsi la loi est sainte ». Qu’y a-t-il de plus saint que de dire : « Tu ne convoiteras pas ? » Y aurait-il du mal à enfreindre la loi, si la loi n’était bonne ? Non, il n’y aurait aucun mal, puisqu’il n’est pas mal de rejeter le mal ; et si c’est un mal de l’enfreindre, c’est qu’elle est bonne. Qu’y a-t-il aussi de meilleur que de dire : « Tu ne convoiteras point ? » Ainsi la loi est sainte, et le commandement saint, juste et bon ». Comme l’Apôtre insiste ! comme il veut faire pénétrer sa pensée ! On dirait qu’il crie contre nos ennemis : Que dis-tu donc, Manichéen ? Que la loi donnée par Moïse est mauvaise ? – Elle est mauvaise, répètent-ils. Quel front ! Quelle audace ! Tu la qualifies d’un seul mot, mauvaise. Et l’Apôtre ? La loi, « dit-il, est sainte, et le commandement saint, juste et bon ». Te tairas-tu, enfin ? – « Ce qui est bon, reprend-il, est donc devenu pour moi la mort ? – Loin de là ; mais le péché, « pour se montrer péché, a, par une chose bonne, opéré pour moi la mort ». Remarquez : « par une chose bonne », c’est accuser le pécheur sans manquer à faire l’éloge de la loi. « Le péché, par une chose bonne, produit pour moi la mort ». Quelle est cette chose bonne ? Le commandement. Et encore ? La loi. Comment s’est produite la mort ? Par le péché, « pour apparaître péché, pour pécher au-delà de toute mesure, puisque c’est pécher par le commandement même[2] ». Avant le commandement, le péché était moindre ; depuis le commandement, il dépasse toute mesure. Quand on ne rencontre pas de défense, on s’imagine bien faire ; en rencontre-t-on ? on veut d’abord ne pas enfreindre, puis on est vaincu, entraîné, mis sous le joug, et n’ayant pu observer la loi on ne doit plus songer qu’à demander grâce.

7. Il est donc bien vrai que la loi dont parle l’Apôtre en ces termes : « La loi de l’Esprit de vie t’a affranchi de la loi du péché et de la mort », est la loi de la foi, la loi de l’Esprit, la loi de la grâce, la loi de la miséricorde ; tandis que cette autre loi du péché et de la mort, n’est pas la loi de Dieu, mais réellement la loi du péché et de la mort. Pour cette autre encore dont l’Apôtre dit : « La loi est sainte, « et le commandement saint, juste et bon », elle est bien la loi de Dieu, mais la loi des œuvres, la loi des observances ; loi des œuvres qui commande sans aider, qui montre le péché sans le détruire. Une loi donc le fait connaître, et une autre l’efface. Il y a deux alliances, l’ancienne et la nouvelle. Écoute l’Apôtre : « Dites-moi, vous qui voulez être sous la loi, n’avez-vous pas lu la loi ? Car il est écrit : Abraham eut deux fils, l’un de la servante et l’autre de la femme libre. Or, celui de la servante naquit selon la chair, et celui de la femme libre, en vertu de la promesse. Ce qui a été dit par allégorie. Ce sont en effet les deux alliances : l’une sur le mont Sina, engendrant pour la servitude, est Agar », la servante de Sara, que Sara donna à Abraham et qui devint mère d’Ismaël. Ainsi l’ancienne alliance est figurée par Agar « engendrant pour la servitude ; tandis que la Jérusalem d’en haut est libre ; c’est elle qui est notre mère[3] ». De là il suit que les fils de la grâce sont les fils de la femme libre, et les fils de la lettre, les fils de la servante. Veux-tu connaître les fils de la servante ? La lettre tue ». Les fils de la femme libre ? L’esprit vivifie[4] ». – La loi de l’Esprit de vie, qui est dans le Christ Jésus, t’a affranchi de la loi du péché et de la mort », dont n’a pu t’affranchir la loi de la lettre. « Car c’était chose impossible à la loi, parce qu’elle était affaiblie par la chair ». Cette chair en effet se révoltait contre toi, elle te rendait son esclave ; elle entendait la loi et n’excitait que plus vivement la concupiscence. C’est ainsi que par la chair s’affaiblissait la loi de la lettre, et qu’il était impossible à cette loi de l’affranchir de la loi du péché et de la mort.

8. « Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à la chair de péché » ; non pas dans une chair de péché. Oui, dans une chair, mais non dans celle de péché. La chair des autres hommes est donc une chair de péché ; lui seul fait exception, car sa Mère l’a conçu non pas avec concupiscence, mais par la grâce. Sa chair toutefois ressemble à la chair de péché, et c’est ce qui lui a permis de manger, d’avoir faim et soif, de dormir, de se fatiguer et de

  1. Rom. 7, 12-13
  2. Rom. 7, 12
  3. Gal. 4, 21-26
  4. 2Co. 3, 6