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en nous, qui ne marchons point selon la chair, mais selon l’esprit ». Et voici d’un autre côté ce qui a été lu dernièrement et n’a pas été expliqué : « Ainsi, j’obéis moi-même par l’esprit à la loi de Dieu, et par la chair à la loi du péché[1]. Il n’y a donc pas de condamnation pour ceux qui sont maintenant en Jésus-Christ, qui ne marchent pas selon la chair ; parce que la loi de l’Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus, t’a affranchi de la loi du péché et de la mort. Car ce qui était impossible à la loi, parce qu’elle était affaiblie par la chair » ; et immédiatement ce qui vient d’être lu : « Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à la chair du péché ». Les passages obscurs ne présentent point de difficulté quand on est soutenu par l’Esprit-Saint. Que vos prières obtiennent donc qu’il nous éclaire, car votre désir de comprendre est réellement une prière adressée à Dieu ; et c’est de lui que vous devez attendre le secours nécessaire. Pour nous, en effet, semblables aux hommes de la campagne, nous ne travaillons qu’extérieurement. S’il n’y avait personne pour agir à l’intérieur, ni la semence ne prendrait racine en terré, ni le germe ne s’élèverait, aucune tige ne se fortifierait non plus jusqu’à devenir un tronc d’arbre ; il n’y aurait enfin ni rameaux, ni fruits ni feuillages. Aussi l’Apôtre, pour discerner ce que fait l’ouvrier de ce que fait le Créateur, a-t-il dit : « J’ai planté, Apollo a arrosé, mais c’est Dieu qui a fait croître ». Puis il ajoute : « Ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui donne l’accroissement[2] ». Aujourd’hui donc si Dieu ne produit l’accroissement intérieur, c’est en vain que le bruit de mes paroles retentit à vos oreilles ; au lieu que si Dieu le produit, il y a pour nous utilité à planter et à arroser, et notre peine n’est pas stérile.

2. Je vous l’ai déjà dit : le sens qu’il faut donner à ces paroles de l’Apôtre : « J’obéis par l’esprit à la loi de Dieu, et par la chair à la loi du péché[3] c’est qu’on ne doit laisser aux organes corporels que les impressions qu’on ne saurait détruire. Consentez-vous, sans y résister, à ces désirs mauvais ? Vous êtes vaincus et vous gémirez ; encore est-il à souhaiter que vous gémissiez et que vous n’alliez pas jusqu’à perdre le sentiment de votre malheur. Il est bien vrai, tous nos vœux, tous nos désirs, toutes nos aspirations, quand nous répétons : « Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal[4] », c’est de souhaiter de ne ressentir plus aucun désir pervers dans notre chair ; mais durant la vie présente nous n’y saurions parvenir : de là ces mots. « Je ne trouve pas à accomplir le bien ». Je trouve à faire, quoi ? à ne consentir pas aux impressions mauvaises. Mais « je ne trouve pas à accomplir le bien », à n’avoir pas de mauvais penchants. Ce qu’il faut donc faire dans ce combat, c’est de ne pas consentir dans l’âme aux impressions coupables et d’obéir ainsi à la loi de Dieu, pendant qu’on obéit à la loi du péché en éprouvant sans y consentir la convoitise charnelle. La chair produit ses désirs ? produis aussi les tiens. Tu ne saurais étouffer, éteindre les siens ; qu’elle n’éteigne pas les tiens non plus : lutte ainsi avec courage et tu ne seras ni vaincu ni chargé de chaînes.

3. L’Apôtre continue ainsi : « Il n’y a donc pas maintenant de condamnation pour ceux a qui sont en Jésus-Christ ». Si tu ressens, sans y consentir, des désirs charnels, s’il y a dans tes organes une loi qui s’élève contre la loi de ton esprit et qui cherche à mettre ton âme sous le joug ; comme la grâce du baptême et du bain régénérateur a effacé soit la tache que tu as apportée en naissant, soit les péchés que tu as commis en consentant aux désirs mauvais, crimes ou impuretés, pensées ou paroles coupables ; oui, comme tout est purifié dans ces fonts sacrés où tu es entré en esclave pour en sortir affranchi, « il n’y a plus maintenant de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ ». Il n’y en a plus, mais il y en a eu, car d’un seul est venue la condamnation de tous[5]. Cette condamnation est l’œuvre de la génération, et la justification est due à la régénération. « Car la loi de l’Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus nous a affranchis de la loi du péché et de la mort ». Cette loi reste dans les membres, mais sans te rendre coupable ; tu en es affranchi. Combats en homme libre, mais prends garde d’être vaincu et de tomber de nouveau dans les fers. S’il y a fatigue à combattre, quelle joie à triompher !

4. À propos de la lutte sans laquelle nous ne pouvons exister, je vous ai fait une remarque dont vous devez surtout vous souvenir. Le juste même,

  1. Rom. 7, 25
  2. 1Co. 3, 6-7
  3. Rom. 7, 25
  4. Mat. 6, 13
  5. Rom. 5, 16