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suis le dernier des Apôtres, je suis indigne du nom d’Apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu[1] ». Aucun persécuteur ne fut plus ardent, ni, conséquemment, aucun pécheur plus coupable.

4. « Cependant, poursuit-il, j’ai obtenu miséricorde ». Pour quel motif ? Il l’expose en ces termes : « Afin que le Christ Jésus montrât en moi toute sa patience pour l’instruction de ceux qui croiront en lui, en vue de la vie éternelle ». En d’autres termes : Le Christ voulait pardonner aux pécheurs qui se convertiraient à lui, fussent-ils ses ennemis ; or, il m’a choisi, moi, son plus ardent adversaire, afin que nul ne désespérât en me voyant guéri par lui. N’est-ce pas ce que font les médecins ? Arrivent-ils dans une contrée où ils sont inconnus ? ils choisissent d’abord, pour les guérir, des malades désespérés ; ils veulent ainsi exercer sur eux leur humanité et donner de leur habileté une haute idée ; ils veulent que dans cette contrée chacun puisse dire à son prochain malade : Adresse-toi à ce médecin, aie pleine confiance, il te guérira. Il me guérira ? reprend l’infirme, tu ne sais donc ce que je souffre ? Je connais tes souffrances, car j’en ai enduré de semblables. – C’est ainsi que Paul dit à chaque malade, fût-il porté au désespoir : Celui qui m’a guéri m’envoie près de toi ; il m’a dit lui-même : Cours vers ce désespéré, raconte-lui ce que tu souffrais, de quoi et avec quelle promptitude je t’ai guéri. Je l’ai appelé du haut du ciel ; avec une première parole je t’ai abattu et renversé ; avec une autre je t’ai relevé et j’ai fait de toi un élu ; je t’ai comblé de mes dons et envoyé prêcher avec une troisième ; avec une quatrième enfin, je t’ai sauvé et couronné[2]. Va donc, dis aux malades, crie à ces désespérés : « Une vérité sûre et digne de toute confiance, c’est que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs ». Que craignez-vous ? Que redoutez-vous ? « Je suis le premier » de ces pécheurs. Oui, moi qui vous parle, moi que vous voyez plein de santé, pendant que vous êtes malades ; debout, pendant que vous êtes renversés ; pénétré de confiance, pendant que vous vous abandonnez au désespoir : « Si j’ai obtenu miséricorde, c’est que le Christ Jésus voulait montrer en moi toute sa patience ». Longtemps il a souffert de mon mal, et c’est ainsi qu’il m’en a délivré ; tendre Médecin, il a patiemment supporté ma fureur, enduré mes coups, puis il m’a accordé le bonheur de souffrir pour lui. Vraiment « il a montré en moi toute sa patience pour l’édification de ceux qui croiront en lui en vue de la vie éternelle ».

5. Gardez-vous par conséquent de vous désespérer. Êtes-vous malades ? Allez à lui et vous serez guéris. Êtes-vous aveugles ? Allez à lui et vous serez éclairés. Avez-vous la santé ? Rendez-lui grâces. Vous surtout qui souffrez, courez à lui pour chercher votre guérison, et dites tous : « Venez, adorons-le, prosternons-nous devant lui et pleurons devant le Seigneur qui nous a créés », qui nous a donné la vie et la santé. S’il ne nous avait donné que l’existence, et que la santé fût notre œuvre, notre œuvre vaudrait mieux que la sienne, puisque la santé l’emporte sur la simple existence. Oui donc, si Dieu t’a fait homme et que tu te sois fait bon, tu as fait mieux que lui. Ah ! ne t’élève pas au-dessus de Dieu, soumets-toi à lui, adore-le, abaisse-toi, bénis Celui qui t’a créé. Nul ne rend l’être, que Celui qui l’a donné ; nul ne refait, que Celui qui a fait. Aussi lit-on dans un autre psaume : « C’est lui qui nous a faits, ce n’est pas nous[3] ». Quand il t’a créé, tu n’avais de ton côté rien à faire ; mais aujourd’hui que tu existes, il en est autrement : il te faut recourir à ce Médecin qui est partout, l’implorer. Et pourtant c’est lui encore qui excite ton cœur à recourir à lui, qui t’accorde la grâce de le supplier. « Car c’est Dieu, est-il dit, qui produit en vous le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté[4] ». Il a fallu en effet, pour t’inspirer bonne volonté, que sa grâce te prévînt. Crie donc « Mon Dieu, sa miséricorde me préviendra[5] ». Oui, c’est sa miséricorde qui t’a prévenu pour te donner l’être, pour te donner le sentiment, pour te donner l’intelligence, pour te donner la soumission ; elle t’a prévenu en toutes choses : préviens au moins, toi, sa colère en quelque chose. Comment ? reprends-tu, comment ? En publiant que de Dieu te vient ce qu’il y a de bon en toi, et de toi ce qu’il y a de mal. Garde-toi de le mettre de côté pour t’exalter à la vue de ce que tu as de bien ; de t’excuser pour l’accuser à la vue de ce qui est mal en toi c’est le moyen de le bénir réellement.

  1. 1Co. 15, 9
  2. Act. IX
  3. Psa. 99, 3
  4. Phi. 2, 13
  5. Psa. 58, 11