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avoir la force, implorons Celui qui nous en a fait un devoir. Mais pour cette bonne vie ne demandons pas au Seigneur un salaire terrestre. Portons nos vues sur les promesses qu’il nous fait. Portons notre cœur là où ne peuvent le corrompre les soucis du siècle. Tout ce qui occupe ici les hommes passe, s’envole : la vie des hommes sur terre n’est qu’une vapeur. Cette vie, déjà si fragile, est de plus exposée à d’immenses et continuels périls. On nous annonce du côté de l’Orient de grands tremblements de terre ; de grandes cités ont été tout-à-coup renversées. De frayeur, les Juifs et les Païens catéchumènes, qui habitaient Jérusalem, ont reçu le baptême : on compte environ sept mille hommes qui l’ont reçu et le signe du Christ s’est montré sur les vêtements des Juifs baptisés. Ces nouvelles reposent sur le récit invariable de chrétiens fidèles. La ville même de Sétif a été secouée par un tel tremblement de terre, que tous les habitants ont dû passer près de cinq jours dans les champs, où, dit-on, on a bien baptisé deux mille hommes. De toutes parts Dieu fait peur, pour n’avoir pas à condamner. Sous ce pressoir il se fait quelque chose. Car le monde est un pressoir et l’on y travaille avec activité. Soyez l’huile et non l’écume. Que chacun se convertisse à Dieu et change de vie. L’huile a des voies secrètes, elle se rend dans la coupe invisible. Les uns se moquent, rient, blasphèment, vocifèrent sur les places publiques c’est l’écume qui s’échappe. Cependant le Maître du pressoir ne cesse de faire travailler ses ouvriers, ses saints Anges. Il tonnait son huile, il connaît ce qu’il doit recueillir, et quel poids il faut au pressoir pour l’exprimer. « Le Seigneur tonnait ceux qui sont à lui. »
Soyez l’huile, ayez horreur de l’écume, et « qu’ils s’éloignent de l’iniquité, tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur [1]. » Surtout ne concevez point de haines ou étouffez-les à l’instant. Ces bouleversements ne sont pas à redouter. Tu crains un tremblement de terre ? Tu crains le bruit du ciel ? Tu crains la guerre ? Crains aussi la fièvre. Souvent on n’est pas frappé de ces graves bouleversements que l’on redoute, et soudain l’on est pris en travers par une petite fièvre qui enlève. Et si le Juge suprême nous trouve alors comme ceux qu’il ne connaît pas, comme ceux à qui il doit dire : « Je ne vous connais point, éloignez-vous de moi[2] ; » que deviendrons-nous ? Où aller ensuite ? A quel patronage recourir ? Comment racheter sa vie pour la refaire ? A qui permet-on de vivre une seconde fois et de réparer ses désordres ? J’ai fini. Vous êtes venus en petit nombre[3] ; mais si vous avez bien écouté, vous êtes riches. Que le trompeur ne vous trompe point, car vous n’êtes point déçus par Celui qui ne trompe jamais.


SERMON XX. NÉCESSITÉ DE FAIRE PÉNITENCE[4].

ANALYSE. – Pour exhorter son peuple à la pénitence, saint Augustin expose plusieurs motifs qui doivent y engager ; il réfute ensuite plusieurs objections que l’on invoque pour chercher à s’en dispenser. – 1. Les motifs qui doivent nous exciter à confesser sincèrement nos fautes ou à en faire pénitence sont :

1° que nous pouvons nous perdre nous-mêmes, mais qu’il nous est impossible de nous sauver sans un divin secours ; 2° si nous reconnaissons nos péchés, Dieu les méconnaîtra ; 3° si au contraire nous les méconnaissons, Dieu les reconnaîtra et s’en vengera. – II. Les obstacles qui nous détournent de la pénitence sont : 1° la propension à nous excuser et à rejeter nos fautes.sur autrui. Que le démon est heureux lors même que nous les lui attribuons, car c’est nous perdre ! 2° Le découragement contre lequel nous prémunit l’Écriture est aussi un obstacle pour plusieurs. 3° Enfin la présomption séduit un grand nombre de pécheurs. Dieu a promis le pardon au repentir ; mais a-t-il promis de donner le temps de se repentir ? Que nul donc ne diffère de se convertir. Que nul ne prolonge sa vie mauvaise, c’est-à-dire un long mal, quand il peut avoir une bonne vie, c’est-à-dire un long bien.


1. D’une commune voix et d’un cœur unanime nous avons prié Dieu pour notre cœur même et nous avons dit : « Créez en moi un cœur pur, ô mon Dieu, et renouvelez au fond de mon âme l’esprit de droiture. » Nous vous exposerons, pour l’honneur de la grâce divine, les quelques idées que le Seigneur nous a données sur ce passage. On voit dans ce Psaume un pénitent qui désire

  1. 2 Tim. 1, 19
  2. Lc. 13, 27
  3. Sans doute à cause des jeux publics. Voy. Explic. du Ps. 147, n° 7.
  4. Ps. 50, 12 ; 40, 3