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ils ont pu parvenir à connaître Dieu, « c’est que rendues compréhensibles par ses œuvres, ses invisibles perfections sont devenues visibles. » Montrez-nous de la même manière comment « en se disant sages ils sont devenus fous. » – Le voici : C’est parce qu’« ils ont changé, répond-il, la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles[1]. » Les Païens en effet se sont faits des dieux des figures de ces animaux. Quoi ! tu connais Dieu et tu adores une idole ! Tu connais la vérité et tu la retiens dans l’injustice ! Ce que te révèle l’œuvre de Dieu, tu le sacrifies à l’œuvre d’un homme ! Tu as tout examiné, tu as saisi l’harmonie du ciel et de la terre, de la mer et de tous les éléments ; et tu ne veux pas remarquer que comme le monde est l’ouvrage de Dieu, cette idole est simplement l’ouvrage d’un homme. Si cet homme pouvait donner un cœur à son idole comme il lui a donné une physionomie, cette idole adorerait son auteur. N’est-il par vrai, mon ami, que cette idole est l’œuvre d’un homme, de même que tu es l’œuvre de Dieu ? Qu’est-ce en effet ton Dieu ? Celui qui t’a formé. Et le Dieu de l’ouvrier en idoles ? Celui également qui l’a formé. Le dieu de l’idole n’est-il donc pas aussi l’auteur de l’idole, et ne s’ensuit-il pas que si cette idole avait un cœur, elle adorerait aussi l’ouvrier qui l’a formée ? C’est ainsi que ces philosophes ont retenu la vérité dans l’iniquité et qu’après l’avoir vue, ils n’ont point trouvé le chemin qui conduit à elle.

4. Mais le Christ est dans le sein de son Père la vérité et la vie, il est le Verbe de Dieu et c’est de lui qu’il est écrit : « La vie, était la lumière des hommes[2]  ; » il est donc dans le sein de son Père la vérité et la vie, et comme nous n’avions pas le moyen de nous réunir à cette vérité, lui, le Fils de Dieu, qui est éternellement avec son Père la vérité et la vie, s’est fait homme pour devenir notre voie. Suis cette voie de son humanité, et tu arrives à la divinité. C’est lui qui te conduit à lui-même, et pour y parvenir ne cherche personne que lui. Hélas ! nous serions toujours égarés, s’il n’avait daigné se faire notre voie ; il est réellement devenu la voie où tu dois marcher. Je ne te dirai donc pas : Cherche la voie. Cette voie s’est présentée elle-même devant toi ; en avant, marche ! Ce sont les mœurs qui doivent marcher en toi en non les pieds ; car il en est beaucoup dont les pieds vont bien, tandis que leur conduite va mal, et tout en courant bien ils se précipitent hors de la voie. Tu rencontreras effectivement des hommes dont la conduite est régulière, mais qui ne sont pas chrétiens : ils courent bien, mais hélas ! hors de la voie, et plus ils courent, plus ils s’égarent, puisqu’ils s’éloignent de leur chemin. Ah ! si ces hommes entraient dans la voie, s’ils s’y tenaient, quelle sûreté pour eux, puisqu’ils courraient sans s’égarer ! Combien au contraire ils sont à plaindre de tant marcher sans être dans la voie ! Mieux vaut y marcher en boitant, que de n’y être pas en marchant d’un pas ferme. Que votre charité veuille se contenter de ceci. Tournons-nous, etc[3].

SERMON CXLII. NÉCESSITÉ DE LA GRACE[4].

ANALYSE. – Jésus-Christ est la voie sûre que nous devons suivre. Or Jésus-Christ est humble et nous devons nous attacher à l’imiter dans son humilité. 1° En effet, l’amour-propre nous ayant détachés de Dieu pour nous répandre dans les créatures, il faut pour revenir à Dieu, que nous rougissions de nos égarements, il faudrait même que nous pussions nous oublier pour nous rattacher intimement à lui. L’orgueil est une enflure énorme qui nous empêche d’entrer au ciel par Celui qui en est la porte, par Jésus-Christ. 2° Ce que Jésus-Christ demande principalement de nous, c’est que nous reproduisions les exemples d’humilité qu’il a donnés au monde. 3° Enfin, la charité est incompatible avec l’orgueil. Or la charité est indispensable, puisque sans elle rien ne profite et que la perfection de la charité est la perfection du chrétien. Donc à ce titre encore nécessité de l’humilité.

1. Pour nous préserver de l’abattement du désespoir les divines Écritures nous raniment, et d’autre part elles nous effraient pour que nous ne nous laissions pas emporter par l’orgueil. Mais il nous serait fort difficile de tenir le juste milieu, de marcher entre le désespoir à notre gauche et la présomption à notre droite, si le

  1. Rom. 1, 18-23
  2. Jn. 1, 4
  3. Voir. Serm. I
  4. Jn. 14, 6