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mais aussi que le Fils procède du Père et non pas le Père du Fils. Dans l’un est le principe, et dans l’autre l’égalité. Car si le Fils n’est pas égal au Père, il n’est pas son Fils véritable. Voici en effet comme nous raisonnons, mes frères. Si le Fils n’est pas égal au Père, il lui est inférieur ; s’il lui est inférieur, comment a-t-il pu naître son inférieur ? Réponds, nature malade dont la foi est pervertie : Ce Fils inférieur au Père grandit-il, oui ou non ? S’il grandit, c’est que le Père vieillit. Mais s’il doit rester tel qu’il est né, en le supposant inférieur, à sa naissance, il restera inférieur toujours ; ainsi sa perfection sera l’imperfection, puisque parfait et non perfectible à sa naissance, il ne parviendra jamais à égaler son Père. Est-ce ainsi, ô impies, que vous outragez le Fils ? Est-ce ainsi que vous le blasphémez, ô hérétiques ? Qu’enseigne au contraire la foi catholique ? Dieu le Fils procède de Dieu le Père et non Dieu le Père de Dieu le Fils. Dieu le Fils est toutefois égal au Père ; il est né son égal, et non son inférieur ; il est né son égal, et ne l’est pas devenu. Ce qu’est le Père, le Fils l’est aussi. Le Père a-t-i1 été jamais sans Fils ? Non, et qu’on ne parle pas de temps là où il n’y a pas de temps. Le Père est toujours, le Fils toujours. Le Père est sans commencement ; le Fils aussi sans commencement ; jamais le Père ne fut ni avant, ni sans son Fils. Néanmoins, comme Dieu le Fils procède de Dieu le Père, et non pas Dieu le Père de Dieu le Fils, ne craignons pas d’honorer le Fils dans le Père ; car, l’honneur du Fils rejaillit sur le Père, sans amoindrir sa divinité.
6. Mais il faut expliquer ces paroles citées par moi : « Je sais, est-il dit, que son commandement est l’éternelle vie. » Remarquez bien ces mots, mes frères : « Je sais que son commandement est l’éternelle vie. » Le même saint Jean nous dit aussi du Christ : « Il est vrai Dieu et vie éternelle. » Or, si le commandement du Père est vie éternelle, si de plus le Christ son Fils est également éternelle vie, il s’ensuit que le Fils est le commandement du Père. Comment ne serait-il pas son commandement, puisqu’il est son Verbe ? Entendrez-vous d’une manière charnelle que le Père a donné un commandement à son Fils, en lui disant, par exemple, je t’ordonne ceci, je veux que tu fasses cela ? Mais quelles paroles aura-t-il employées pour se faire comprendre de Celui qui est son unique Parole ? Lui l’allait-il des paroles pour commander à sa Parole ? Mais non, le commandement du Père étant l’éternelle vie et son Fils étant aussi l’éternelle vie, croyez-le et l’admettez, croyez-le et le comprenez, car un Prophète a dit : « Si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas[1]. » Vous ne saisissez pas ? Dilatez-vous ; écoutez l’Apôtre : « Dilatez-vous, dit-il, pour ne traîner pas le joug avec les infidèles[2] ; » car c’est être infidèle, que de refuser croyance à ce mystère avant de le comprendre. Infidèles, en voulant rester tels, vous demeurerez dans l’ignorance ; croyez donc pour avoir l’intelligence. Oui, le commandement du Père est l’éternelle vie. C’est que le Fils, dont nous honorons aujourd’hui la naissance, est aussi le commandement du Père, non pas un commandement donné dans le temps, mais un commandement né de toute éternité.
L’Évangile de saint Jean sert à exercer l’esprit, il le purifie et le spiritualise pour nous former sur Dieu, non pas des idées charnelles, mais des idées spirituelles. Assez donc pour vous aujourd’hui, mes frères ; il serait à craindre que la longueur de la discussion ne produisit le sommeil de l’oubli.

  1. Is. 7, 9, sel. LXX
  2. 2 Cor. 6, 13-14