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seconde. En engendrant son Fils, Dieu l’a engendré de sa substance, sans le concours d’aucune femme, et la Vierge sa mère, en l’enfantant, l’a enfanté sans la participation d’aucun homme. Le Fils est né du Père sans avoir eu de commencement ; et aujourd’hui même il a eu un commencement certain en naissant de sa mère. Fils du Père il nous a faits, Fils de sa mère il nous a refaits. Il est né du Père pour nous donner l’être, il est né de sa mère pour nous empêcher de le perdre. Or le Père l’a engendré son égal et tout ce qu’est le Fils, il le tient de son Père, tandis que Dieu le Père ne doit pas à son Fils tout ce qu’il est ; ce qui nous fait dire que Dieu le Père n’a point de principe, et que Dieu le Fils procède du Père. De là vient que le Fils attribue au Père tous les miracles qu’il opère, toutes les vérités qu’il énonce, et il ne saurait différer de l’Auteur de son être. Le premier homme a pu devenir autre chose que ce qu’il était par la création : la création l’avait formé juste, et il est devenu pécheur ; mais le Fils unique de Dieu ne saurait changer rien à ce qu’il est : il ne peut ni le transformer, ni le diminuer, il lui est impossible de n’être pas ce qu’il était, impossible de n’être pas l’égal de son Père. Le Père qui a tout donné à son Fils dès sa naissance et sans qu’il éprouvât aucun besoin, lui a donné aussi et sans aucun doute d’être son égal. Comment lui a-t-il donné d’être son égal ? L’a-t-il engendré inférieur à lui, pour ajouter ensuite à sa nature et l’élever jusqu’à lui ? S’il eût agi ainsi, il l’aurait laissé manquer pour lui donner ensuite. Or je vous l’ai déjà dit et vous devez en être parfaitement sûrs, c’est dès sa naissance et sans qu’il éprouvât aucun besoin que le Père a donné tout son être à son Fils. Mais s’il lui a donné alors tout son être, il lui a certainement donné l’égalité avec lui-même, et pouvait-il en lui conférant cette égalité, ne l’engendrer pas son égal ? Aussi, bien que le Père soit autre que le Fils, il n’est pas autre chose que lui ; l’un est ce qu’est l’autre. L’un n’est pas l’autre, mais l’un est ce qu’est l’autre.
3. « Celui qui ma envoyé », a-t-il dit et vous l’avez entendu. « Celui qui m’a envoyé m’a prescrit ce que j’ai à dire et ce dont je dois parler ; et je sais que son commandement est la vie éternelle. » Ainsi s’exprime l’Évangile de saint Jean, retenez-le. « Celui qui m’a envoyé m’a prescrit lui-même ce que.j'ai à dire et ce dont je dois parler ; et je sais que son commandement est « la vie éternelle. » Ah ! s’il m’était donné par Dieu d’exprimer ce que je veux ! Ce qui me met dans la gêne, c’est son abondance et ma propre indigence. « C’est lui, dit le Sauveur, qui m’a prescrit ce que j’ai à dire et ce dont je dois parler ; et je sais que son commandement est la vie éternelle. » Dans l’Épître de ce même Jean l’Évangéliste, cherche ce qui est dit du Christ. « Croyons, y est-il écrit, en Jésus-Christ, son vrai Fils. Il est vrai Dieu et éternelle vie[1]. » – « Vrai Dieu et éternelle vie », qu’est-ce à dire ? Que le vrai Fils de Dieu est en même temps vrai Dieu et éternelle vie. Pourquoi l’appeler vrai – Fils de Dieu ? C’est que Dieu a beaucoup d’enfants de qui il fallait le discerner en disant qu’il est, lui, « le vrai Fils de Dieu. » Il ne suffisait pas de le nommer son Fils, il fallait ajouter qu’il est son Fils véritable, afin de le distinguer des nombreux enfants que Dieu a d’autre part. Effectivement, si nous sommes fils de Dieu par grâce, lui l’est par nature. Par lui le Père nous a créés ; il est, lui, tout ce qu’est son Père ; pouvons-nous dire que nous sommes tout ce qu’est Dieu ?
4. Mais voici un aveugle qui nous prend en travers et qui crie, sans savoir ce qu’il dit : S’il est écrit : « Mon Père et moi nous sommes un[2] », c’est pour exprimer l’accord de la volonté et non la communauté de nature. Les Apôtres mêmes, c’est l’assertion de l’adversaire[3] et non la mienne, ne font non plus qu’un avec le Père et avec le Fils. Affreux blasphème ! Oui, dit-on, les Apôtres ne sont qu’un avec le Père et avec le Fils, parce qu’ils obéissent à la volonté du Père et du Fils. Est-il possible qu’on ait osé avancer une telle assertion ? Paul donc pourrait dire : Dieu et moi nous sommes un ! Pierre aussi pourrait dire, ainsi que tout prophète Dieu et moi nous sommes un ! Mais ils ne parlent pas de la sorte, à Dieu ne plaise ! Ils savent qu’ils sont d’une autre nature, d’une `nature qui a besoin d’être guérie ; ils savent qu’ils sont d’une autre nature, d’une nature qui a besoin d’être éclairée. Aucun d’eux ne dit : Dieu et moi nous sommes un. Quels que soient leurs progrès, quelle que soit l’éminence de leur sainteté, quelle que soit la sublimité de leur vertu, jamais ils ne disent : Dieu et moi nous sommes un ; et s’ils ont réellement de la vertu, il leur suffirait pour tout perdre de tenir ce langage.
5. Croyez donc que le Fils est égal au Père,

  1. Jn. 5, 20
  2. Jn.10, 30
  3. De Maximin, dans la conférence qu’il eut avec Saint Augustin, Voir contre Maximin LIV. 2. chap. 22