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il exprime une chose, il en écarte une autre et il en ajourne une troisième : mais il ne dit rien de faux, aucun mensonge ne sort de sa bouche. Après cela, et « lorsque ses frères furent partis : » c’est l’Évangile qui parle, écoute, lis ce passage dont tu te faisais une arme contre moi ; considère si la solution n’est pas dans le texte même, et si j’ai pris ailleurs ma réponse. Afin donc d’empêcher ses frères d’annoncer sa venue, le Seigneur attendit qu’ils partissent les premiers. « Après qu’ils furent partis, alors il alla lui-même à la fête, non pas publiquement, mais comme en secret. » Pourquoi « comme en secret ? » Le Seigneur agit « comme en secret. » Pourquoi « comme en secret ? » Parce que ce n’était pas réellement en secret. Non, il ne cherchait pas véritablement à se cacher, puisqu’il dépendait de lui de n’être saisi que quand il le voudrait. En se cachant de cette manière, il voulait seulement, je le répète, servir de modèle à la faiblesse de ses disciples qui n’avaient pas le pouvoir de se dérober quand ils ne voudraient pas être pris, et leur apprendre à se défier des pièges de leurs ennemis. Aussi se montra-t-il ensuite en public ; il enseignait même au milieu du temple et plusieurs disaient : « Le voici, voici qu’il enseigne. Il est certain que nos princes prétendaient hautement vouloir s’emparer de lui ; le voilà qui parle en public et personne ne met sur lui la main [1]. »
8. Maintenant considérons-nous nous-mêmes, songeons que nous sommes son corps et que lui c’est nous. Si en effet nous ne faisions pas avec lui une même personne, pourrait-il dire : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait[2] ? » Pourrait-il dire encore : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu[3] ? » C’est ainsi que lui c’est nous ; car nous sommes ses membres, nous sommes son corps, il est notre chef[4], et le Christ entier comprend le corps aussi bien que le Chef. Ne pourrait-on pas dire alors qu’il nous avait en vue et qu’en disant : « Je ne vais pas à cette fête », il faisait entendre que nous ne célébrerions pas les fêtes des Juifs ? Ainsi ni le Christ ni l’Évangéliste n’ont menti, et s’il fallait reconnaître quelque mensonge dans l’un d’entre eux, l’Évangéliste me pardonnerait de ne le croire pas plus vrai que là Vérité même, de ne préférer pas l’envoyé à Celui qui l’envoie. Mais, grâces à Dieu, ce qui était obscur est clair maintenant, je crois. Que ne pourra votre piété auprès de Dieu ? J’ai résolu, comme je l’ai pu, la question relative au Christ et à l’Évangéliste. Avec moi, mon ami, attache-toi à la vérité, embrasse la charité sans contester davantage.

SERMON CXXXIV. LA VRAIE LIBERTÉ[5].

ANALYSE. – À ceux qui s’attachent à sa parole, Jésus promet la vraie liberté, l’affranchissement du joug du démon et de la tyrannie du péché. Le démon, en effet, ayant mis à mort le Sauveur, sans avoir sur lui aucun droit, a mérité de perdre les droits que le péché lui avait donnés sur nous ; et Jésus-Christ a conquis, en se soumettant à la mort, le droit de rendre libres tous ceux qui s’attachent à lui.


1. Votre charité n’ignore pas que tous nous avons un seul et même Maître et que sous son autorité nous sommes tous condisciples. Pour vous adresser la parole d’un lieu plus élevé, nous ne sommes pas vos maîtres : notre maître à tous est Celui qui habite en chacun de nous. C’est lui qui vient de nous parler dans l’Évangile ; il nous y disait ce que je vous répète ; car c’est de nous qu’il était question et il me disait comme à vous : « Si vous demeurez dans ma parole », non pas dans la mienne, de moi qui vous prêche en ce moment ; mais dans la sienne, de lui qui vient de nous enseigner dans l’Évangile. « Si vous demeurez dans ma parole, dit-il, vous êtes véritablement mes disciples. » Il ne suffit pas pour un disciple d’entendre la parole du maître, il doit s’y attacher. Aussi le Sauveur ne dit-il pas Si vous entendez ma parole, si vous cherchez à la recueillir, si vous y applaudissez ; mais, remarquez bien ; « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes véritablement mes disciples ;

  1. Jn. 7, 25-26
  2. Mat. 25, 40
  3. Act. 9, 4
  4. Eph. 1, 22
  5. Jn. 8, 31-34