Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/539

Cette page n’a pas encore été corrigée

SERMON CXXIX. LES JUIFS ET LES DONATISTES[1].

ANALYSE. – Dans le passage qui vient d’être indiqué, Notre-Seigneur adressait aux Juifs deux reproches que l’Église peut appliquer parfaitement aux Donatistes. Il leur reprochait 1° de n’étudier pas avec soin les Écritures qui rendent témoignage de lui. Et si les Donatistes voulaient ouvrir les yeux ils remarqueraient le nombre considérable de passages sacrés où il est parlé en mime temps de Jésus-Christ et de la catholicité de l’Église. Le Sauveur reprochait encore aux Juifs, 2° de s’appuyer sur leur propre justice et non sur la justice de Dieu. C’est ainsi que les Donatistes prétendent que la grâce des Sacrements dépend d’eux-mêmes et du ministre qui les confère, quoique le contraire soit enseigné par Jésus-Christ même. Ainsi méprisent-ils le Sauveur dans sa gloire comme les Juifs le méprisaient dans son obscurité.


1. Que votre charité médite la lecture évangélique qui vient de retentir à nos oreilles, pendant que nous vous adresserons les quelques paroles que Dieu nous inspire. C’est aux Juifs que parlait le Seigneur Jésus, et il leur disait. « Sondez les Écritures, puisque vous pensez y trouver l’éternelle vie ; elles rendent témoignage de moi. » Et après quelques mots : « Je suis venu, poursuit-il, au nom de mon Père, et vous ne m’avez point reçu ; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. » Il continue : « Comment pouvez-vous croire, vous qui attendez la gloire l’un de l’autre et qui ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? » Il termine en disant : « Ce n’est pas moi qui vous accuse devant mon Père ; vous avez pour vous accuser Moïse en qui vous espérez. Car si vous croyiez à Moïse, vous me croiriez sans doute aussi, puisqu’il a écrit de moi. Mais puisque vous n’ajoutez point foi à ses paroles, comment pouvez-vous vous en rapporter à moi ? » C’est Dieu même qui vient de nous faire entendre ces paroles par la bouche du Lecteur, après nous les avoir communiquées par le ministère du Sauveur ; écoutez-les quelques réflexions que j’y ajoute ; pesez-les et ne les comptez pas.
2. Sans doute, il est facile d’appliquer tout cela aux Juifs ; mais il est à craindre qu’en pensant trop à eux nous ne détournions les yeux de nous-mêmes. D’ailleurs c’est devant ses disciples que parlait le Seigneur, et ce qu’il leur disait, il nous l’adressait en même temps, car nous sommes leurs successeurs. Est-ce à eux seuls en effet que s’appliquent ces mots : «. Me voici avec vous jusqu’à la consommation du siècle[2] ? » N’est-ce pas aussi à tous les chrétiens qui devaient se succéder jusqu’à la fin du monde ? Un jour donc il disait à ces disciples : « Gardez-vous du levain des Pharisiens. » Ils crurent qu’il s’exprimait ainsi pour leur rappeler qu’ils n’avaient pas emporté de pains avec eux, et ils ne comprirent pas que ces mots : « Gardez-vous du levain des Pharisiens », signifiaient Défiez-vous de leur doctrine [3]. Or, quelle était la doctrine des Pharisiens, sinon la doctrine que vous venez d’entendre rappeler dans ces paroles « Vous qui cherchez la gloire l’un de l’autre, vous qui attendez la gloire l’un de l’autre et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul ? » C’est d’eux encore que parle l’Apôtre Paul quand il dit : « Je leur rends ce témoignage, qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais non selon la science. » Oui, « ils ont du zèle pour Dieu », je le sais, j’ai vécu au milieu d’eux, j’ai été ce qu’ils sont. « Ils ont du zèle pour Dieu, mais pas selon la science. » O Apôtre, que signifient ces mots : « Pas selon la science ? » Faites-nous comprendre quelle est cette science que vous recommandez, que vous êtes peiné de ne pas voir en eux et que vous voudriez voir en nous. L’Apôtre continue et il explique clairement ce que d’abord il avait avancé d’une manière un peu obscure. Que veut dire : « Ils ont du zèle pour Dieu, mais pas selon la science ? – C’est qu’ignorant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu[4]. » Ainsi donc, ignorer la justice de Dieu et vouloir établir sa propre justice, ou attendre la gloire l’un de l’autre sans rechercher la gloire qui vient de Dieu seul, c’est le levain des Pharisiens, c’est le levain dont le Seigneur ordonne de se défier. Défions-nous-en donc, puisque c’est à ses serviteurs que le Seigneur le commande en personne, pour ne pas nous exposer à entendre cet arrêt : « Pourquoi me crier

  1. Jn. 5, 39-47
  2. Mat. 28, 20
  3. Mat. 16, 6-12
  4. Rom. 10, 2-3