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tous ceux qui sont, animés de l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. » Ils ne sont pas fils de Dieu, s’ils ne sont animés de son Esprit. Mais s’ils sont animés de son Esprit, ils combattent, parce qu’ils ont un puissant auxiliaire. Ah ! Dieu ne se contente pas de les contempler, comme le peuple contemple les gladiateurs. Le peuple peut sans doute applaudir un gladiateur, il ne saurait le tirer du danger.
10. Tel est donc le sens qu’on doit donner encore à ces paroles : « La chair convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair. » Mais que signifient celles-ci : « De sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez ? » C’est ici qu’il y a du danger à comprendre mal et qu’un interprète, quel qu’il soit, doit s’efforcer de remplir son devoir.« De sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez. » Cloutez, ô saints combattants, car je m’adresse aux lutteurs. Ceux qui luttent me comprennent : je ne suis pas compris de ceux qui ne luttent pas. Que dis-je ? ceux qui luttent ne se contentent pas de saisir ma pensée, ils la devancent : Que voudrait un homme chaste ? Qu’il ne s’élevât dans ses membres absolument aucune impression contraire à la chasteté. Il voudrait la paix ; mais il ne l’a pas encore. Pour ne plus ressentir absolument aucune impression mauvaise, il faut arriver à l’heureux séjour où nous n’avons plus d’ennemi à combattre, ni de victoire à espérer, puisqu’on y triomphe de l’ennemi vaincu. Apprends de l’Apôtre même en quoi consistera la victoire : « Il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps martel revête l’immortalité. Et quand ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors sera accomplie cette parole de l’Écriture : « La mort a été abîmée dans sa victoire. » Écoute encore les chants de triomphe : « O mort, où sont tes armes ? O mort, où est ton aiguillon [1] ? » Tu nous as frappés, tu nous as blessés ; tu nous as abattus ; mais mon Créateur même s’est laissé blesser pour moi. O mort, ô mort, oui, mon Créateur même s’est laissé blesser pour moi, et par sa mort il t’a vaincue ; et maintenant nous ne cesserons de répéter en triomphant : « O mort, où sont tes armes ? O mort, où est ton aiguillon ? »
11. Mais aujourd’hui, que la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair, la mort lutte et nous ne faisons pas ce que nous voulons. Pourquoi ? Parce que nous voudrions ne ressentir aucun mouvement de concupiscence, et nous ne saurions y parvenir. Bon gré, mal gré, ces mouvements sont en nous ; bon gré, mal gré, ils s’éveillent, ils flattent, ils s’étendent, ils cherchent à dominer. On les comprime mais on ne les éteint pas, tant que « la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair. » Se feront-ils sentir encore après la mort ? À Dieu ne plaise ! Puisque tu te dépouilles alors de la chair, comment pourrais-tu en conserver les convoitises ? Combats bien et tu jouiras du repos, d’un repos qui sera ta couronne et non ta condamnation ; car tu parviendras aussi à régner. Voilà, mes frères, voilà ce qu’il en est durant la vie présente. Nous-mêmes, qui avons blanchi dans ces combats, nous sentons contre nous des ennemis moins puissants, nous les sentons toutefois. On dirait que l’âge même les a fatigués ; mais tout fatigués qu’ils soient, ils ne cessent de troubler comme ils peuvent le repos de notre vieillesse. La guerre est plus ardente pour les jeunes gens ; nous la connaissons, nous y avons passé.C'est donc ainsi que « la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair ; de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez. » Que voulez-vous en effet, ô saints, ô généreux combattants, ô vaillants guerriers du Christ ? Que voulez-vous ? N’éprouver absolument aucune convoitise déréglée. Hélas ! vous ne le pouvez. Faites donc la guerre et espérez la victoire ; nous sommes aux temps des combats. « La chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair ; de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez ; » et qu’il y a encore en vous des convoitises charnelles.
12. Mais faites tout ce que vous pouvez ; faites ce que recommande l’Apôtre dans cet autre passage que j’avais commencé de rappeler « Que le péché ne règne pas dans votre corps mortel, pour vous faire obéir à ses convoitises. » Je ne le veux pas ; des désirs coupables s’élèveront, mais n’y cède pas. Arme-toi, prends en mais les engins de guerre. Les commandements divins seront tes armes. Si tu m’écoutes comme il convient, tu t’appuieras même sur ce que je dis. « Que le péché le règne pas dans votre corps mortel. » En effet, tant que vous êtes chargés de cette, chair mortelle, le péché lutte contre vous ; mais « qu’il ne règne pas. » – « Qu’il ne règne pas », qu’est-ce à dire ? « Qu’il

  1. 1Co. 15, 53-55