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jugé par l’homme. Mais quels sont les hommes que jugera Jésus-Christ ? Ceux qu’il trouvera en vie ? Non seulement ceux-là. Lesquels encore ? « Viendra l’heure où ceux qui sont dans les tombeaux. » Comment désigne-t-il ceux qui sont morts corporellement ? Il les appelle « ceux qui sont dans les tombeaux », ceux dont les cadavres gisent ensevelis, ceux dont la cendre est recouverte et les ossements dispersés, ceux enfin dont la chair n’est plus chair, quoique pour Dieu elle soit encore dans son intégrité. « Viendra l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et en sortiront tous. » Bons et mauvais, tous entendront sa voix tous sortiront ; car tous les liens de la mort seront rompus et tout ce qui est détruit, ou plutôt tout ce qui paraît l’être sera rétabli. Si Dieu a fait l’homme, quand l’homme n’était pas, ne peut-il refaire ce qui a déjà existé ?
15. Il n’est sans doute pas incroyable que Dieu puisse ressusciter les morts ; c’est de Dieu et non de l’homme qu’il s’agit. Quelle œuvre ! elle peut même paraître incroyable, mais pour y croire, considère Celui qui en sera l’auteur. Qui te ressuscitera ? Celui qui t’a créé. Tu n’étais pas, tu es maintenant ; et quand tu es créé tu n’existerais plus ? N’en crois rien. En faisant ce qui n’était pas, Dieu a fait quelque chose de plus étonnant ; et ceux-mêmes qu’il a faits quand ils n’étaient pas, ne croient pas qu’il puisse refaire ce qui a déjà été ? Est-ce là notre reconnaissance pour Celui qui nous a formés quand nous n’étions pas ? Notre gratitude envers lui est-elle de le croire impuissant à ressusciter ce qu’il a créé ? Est-ce là la récompense qu’il reçoit de sa créature ? O homme, te crie le Seigneur, si je t’ai donné l’être quand tu ne l’avais pas, si tu as pu devenir ce que tu n’étais pas, est-ce pour ne croire pas sur ma parole que tu seras ce que tu étais ?
Pourtant, dit-on, je ne vois dans ce sépulcre que cendre, poussière, ossements ; et tout cela reprendrait vie, forme, chair et beauté ; tout cela ressusciterait ? Qu’est-ce donc que cette cendre ? Que sont ces ossements ? – Eh bien ! tu ne vois dans le sépulcre que cendre et ossements ; mais qu’y avait-il dans le sein de ta mère ? Ce que tu vois est encore cendre et ossements ; mais toi, avant de recevoir l’existence, tu n’étais ni ossements ni cendre. Tu n’étais absolument rien, et tu es devenu quelque chose ; et après avoir reçu de que tu n’avais pas, tu ne crois pas que ces ossements, qui malgré tout sont encore quelque chose, reprendront la forme qu’ils avaient ? Crois-le ; car en le croyant, ton âme ressuscitera ; et si ton âme ressuscite maintenant, maintenant que son heure est venue ; ton corps ressuscitera heureusement, il ressuscitera quand sera venue l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et en sortiront. Car il ne te suffit pas, pour te livrer à la joie, de l’entendre aujourd’hui et de lever la tête ; écoute ce qui suit – « Ceux qui auront fait le bien, pour ressusciter à la vie ; mais ceux qui auront t’ait le mal, pour « ressusciter à leur condamnation. » Tournons-nous, etc.


SERMON CXXVIII. LE COMBAT SPIRITUEL[1].

ANALYSE. – Quoique le témoignage que se rendait Jésus-Christ fût indubitablement vrai, il en appelait néanmoins au témoignage que lui avait rendu saint Jean, et c’était pour confondre les Juifs. Mais saint Jean, comme les martyrs, ne confessait Jésus-Christ que parce qu’il était animé de son Esprit, et c’est ce même Esprit qui doit nous aider dans la lutte que nous avons à soutenir contre nos convoitises. Pouvons-nous espérer de ne les ressentir pas ? Non. Mais nous pouvons avec le Saint-Esprit ne pas nous y soumettre, ne pas y consentir. Nous pouvons même, si elles nous ont donné la mort, recouvrer la vie comme l’ont recouvrée les trois morts dont il est parlé spécialement dans l’Évangile.


1. Nous venons d’entendre quelques paroles du saint Évangile, et ce qui pourrait surprendre, c’est cette affirmation du Seigneur Jésus : « Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n’est pas vrai. » Comment pourrait n’être pas vrai le témoignage de la Vérité même ? N’est-ce pas en effet le Sauveur qui a dit « Je suis la voie, la vérité et la vie[2] ? » Et à qui

  1. Jn. 5, 31-35 ; Gal. 5, 14-17
  2. Jn. 14, 6