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dans mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit et qui me captive sous la loi du péché. » C’est le châtiment du péché, c’est la mort qui se communique, c’est la condamnation encourue par Adam qui résiste à la loi de mon esprit, et m’assujettit à la loi du péché se faisant sentir dans mes membres. Voilà un homme convaincu, c’est à la loi qu’il est redevable de cette conviction : vois, maintenant combien cette conviction lui est salutaire. « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur[1]. »
3. Remarquez le bien : ces portiques figuraient la Loi, ils mettaient le mal au grand jour, et n’y appliquaient pas le remède. Qui donc guérissait de ces malheureux ? Celui d’entre eux qui descendait dans la piscine. Et quand y descendait-il ? Lorsque l’ange l’en avertissait en mettant l’eau en mouvement. Ce lieu en effet était si saint, qu’un ange y venait remuer l’eau. Les hommes voyaient cette eau dont le mouvement les avertissait de la présence de l’ange ; et quiconque y descendait alors se trouvait guéri. Pourquoi donc notre malade ne l’était-il pas encore ? Examinons ses paroles : « Je n’ai personne pour me mettre dans la piscine lorsque l’eau est agitée ; et lorsque j’y vais un autre y descend. » Mais ne saurais-tu donc y descendre quand avant toi un autre y est descendu ? Son langage indique qu’il n’y avait qu’un seul malade pour guérir, lorsque l’eau était en mouvement. Quiconque y descendait le premier était seul guéri, et quelque fût celui qui y serait descendu ensuite, il ne recouvrait pas alors la santé, mais il attendait que l’eau fût agitée de nouveau. Que signifie ce mystère ? Cette circonstance n’est pas ici sans raison profonde. Que votre charité redouble d’attention. Dans l’Apocalypse, les eaux figurent les peuples. En effet, Jean ayant vu de grandes eaux, demanda ce qu’elles signifiaient, et il lui fut répondu que ces eaux étaient des peuples[2]. L’eau de la piscine désignait donc le peuple juif ; ce peuple était contenu par l’autorité des cinq livres de Moïse, comme cette eau était contenue dans l’enceinte des cinq portiques. À quel moment se troubla cette eau ? Au moment où le trouble se mit parmi les Juifs. Et quand se mit-il parmi eux, sinon à l’époque où y vint Jésus-Christ Notre-Seigneur ? Quel trouble au moment de la passion ! Quelle émotion parmi les Juifs quand le Sauveur endura les derniers supplices ! Ce trouble ne se remarque-t-il pas déjà dans ce qu’on vient de lire ? Les Juifs en effet voulaient mettre le Seigneur à mort, non – seulement parce qu’il faisait des miracles aux jours de sabbat, mais encore parce qu’il se disait Fils de Dieu en s’établissant l’égal de Dieu. Jésus effectivement prenait ce titre de Fils de Dieu autrement qu’il n’est accordé aux hommes dans ces mots : « J’ai dit : Vous êtes des dieux ; vous êtes tous les Fils du Très-Haut. [3]. » Car s’il ne se disait Fils de Dieu que dans le sens qui permet de donner ce nom à un homme quel qu’il soit quand il a la grâce, les Juifs n’entreraient point en fureur. Mais ils comprenaient que Jésus se disait Fils de Dieu autrement, dans le sens de ces paroles : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[4] ; » dans le sens aussi de ce texte de l’Apôtre : « Il avait la nature de Dieu, et il n’a point cru usurper en se faisant l’égal de Dieu[5] ; » et voyant en lui un homme, ils s’irritaient de ce qu’il osait revendiquer cette égalité avec Dieu. Mais Jésus se savait l’égal de Dieu par un côté qui ne tombait point sous les yeux des Juifs. Ceux-ci voulaient crucifier ce qu’ils voyaient en lui ; ce qu’ils n’y voyaient pas les jugeait. Que voyaient-ils ? Ce que voyaient aussi les Apôtres quand Philippe lui dit : « Montrez-nous votre Père, et cela nous suffit. » Et que ne voyaient-ils pas ? Ce que ne voyaient pas les Apôtres eux-mêmes quand le Seigneur répondit : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ! Qui me voit, voit aussi mon Père[6]. » Dans l’impuissance donc de le voir de cette sorte, les Juifs le considéraient comme un orgueilleux et un impie qui osait se faire l’égal de Dieu.C'était l’eau qui se troublait ; l’Ange y était descendu. Aussi bien le Seigneur est-il nommé « l’Ange du grand conseil[7] », car il est venu annoncer la volonté de son Père. Ange signifie celui qui annonce ; et le Seigneur n’a-t-il pas dit qu’il nous annonçait le royaume des cieux ? Cet Ange du grand conseil, ou plutôt ce Seigneur de tous les Anges était donc descendu ; car s’il est appelé Ange pour s’être incarné ; il est le Seigneur des anges, puisque « tout a été fait par « lui et que sans lui rien ne l’a été[8]. » Tout, et par conséquent les anges, mais non pas lui, car c’est par lui qu’a été fait tout ce qui l’est. Orrien de ce qui a

  1. Rom. 7, 22-26
  2. Apo. 17, 16
  3. Psa. 81, 6
  4. Jn. 1, 1
  5. Phi. 2, 6
  6. Jn. 14, 8-9
  7. Isa. 9, 6. Sept
  8. Jn. 1, 3