Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/502

Cette page n’a pas encore été corrigée

car s’il n’était né, il ne serait pas Fils, et si de toute éternité il est Fils, il est né de toute éternité. – Qui comprendra qu’il soit né de toute éternité ? – Montre-moi du feu qui soit éternel, et je te montre en même temps une éternelle lumière. Combien nous bénissons le Seigneur de nous avoir donné les saintes Écritures ! En face de la lumière, ne soyez pas aveugles. N’est-il pas vrai que la splendeur est produite par la lumière et que néanmoins elle est aussi ancienne ? Que fa lumière ait toujours existé, son éclat également aura existé toujours. La lumière engendre en quelque sorte son éclat ; mais a-t-elle été jamais sans lui ? Permettons à Dieu d’engendrer éternellement. Rappelez-vous, je vous en conjure, de qui nous parlons ; prêtez l’oreille et soyez attentifs, croyez et comprenez ; nous parlons de Dieu même. Nous confessons et nous croyons que le Fils est coéternel au Père. Mais, dit-on, quand un homme engendre un fils, le père est plus âgé et le fils l’est moins. Sans aucun doute, il est facile d’observer parmi les hommes que le père est plus âgé, que le fils l’est moins et que celui-ci a besoin d’acquérir par degrés la force de son père. – Pourquoi, sinon parce que l’un se développe et que l’autre vieillit ? Que le père ne se laisse point entraîner par le mouvement du temps, le fils en grandissant le rejoindra bientôt et sera son égal. Voici qui fera mieux saisir. Tandis que la splendeur est de même date que le feu qui la produit, on ne voit parmi les hommes que des pères plus âgés que leurs enfants, jamais ils ne sont de même âge. Considérons donc, comme je l’ai dit, que la splendeur est de même date que le feu qui la produit, ce qui est incontestable, puisque le feu qui l’engendre n’est jamais sans elle. Mais en voyant la splendeur aussi ancienne que le feu, ne permettras-tu pas à Dieu d’engendrer un Fils aussi ancien que lui ?
Vous qui comprenez, réjouissez-vous ; et vous qui ne comprenez pas, croyez, car on ne saurait prescrire contre cette parole d’un prophète « Si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas. »


SERMON CXIX. LE VERBE FAIT CHAIR[1].

ANALYSE. – Tout grand, tout éternel que soit le Verbe de Dieu, il s’est fait chair, il est descendu jusqu’à nous, afin de nous élever jusqu’à lui.


1. Nous n’avons jamais cessé de vous annoncer, et toujours votre foi a été persuadée que Notre-Seigneur Jésus-Christ s’est fait homme pour chercher l’homme égaré, et que ce même Seigneur, qui s’est fait homme pour nous, a toujours été Dieu dans le sein de son Père, qu’il le sera ou plutôt qu’il l’est toujours, car il n’y a ni passé ni futur là où n’est point la mobilité du temps. En effet le passé n’est plus et le futur n’est pas encore, tandis que le Seigneur est toujours, puisqu’il existe véritablement, en d’autres termes, puisqu’il est immuable. C’est le grand et divin mystère que vient de nous rappeler la lecture de l’Évangile.C'est saint Jean qui a exhalé en quelque sorte ce commencement de l’Évangile, qu’il avait comme puisé dans le cœur de son Maître. On vous l’a lu dernièrement encore ; rappelez-vous donc comment ce saint Évangéliste reposait sur le sein du Seigneur, sur le sein du Seigneur, c’est-à-dire « sur sa poitrine », comme il l’exprime clairement[2]. Or en reposant ainsi sur la poitrine du Seigneur, que n’y puisait-il pas ? Ne cherchons pas tant à nous l’imaginer qu’à en profiter, puisque nous aussi nous venons d’entendre de sublimes vérités.
2. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » Quelle prédication ! Quels flots divins jaillissant de la poitrine du Seigneur ! « Au commencement était le Verbe. » Pourquoi chercher ce qui était avant lui, puisqu’il « était au commencement ? » Le Verbe n’a pas été créé, puisque tout a été créé par lui : mais s’il avait été créé, l’Écriture dirait : Au commencement Dieu a fait le Verbe, comme il est dit dans la Genèse : « Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre[3]. »

  1. Jn. 1, 1-14
  2. Jn. 13, 23, 25
  3. Gen. 1, 1