Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/496

Cette page n’a pas encore été corrigée

Si le Verbe est Fils de Dieu, disent donc les Ariens, il est né. – Sans aucun doute, car s’il n’était pas né, il ne serait pas Fils. Rien de plus clair ; ce raisonnement est admis par la foi, approuvé par l’Église catholique, il est juste. – Mais ils ajoutent : Si le Père a un Fils, il existait sûrement avant la naissance de ce Fils. – Voilà ce que réprouve la foi, ce que repoussent les oreilles catholiques ; anathème à qui pense ainsi ; il est séparé, il ne fait plus partie ni de la communion, ni de la société des saints. – Par conséquent, poursuivent-ils, montre-nous comment le Père peut avoir un Fils aussi ancien que lui.
7. Comment, mes frères, expliquer des choses toutes spirituelles à des hommes charnels ? Ne sommes-nous pas charnels nous-mêmes lorsque nous entreprenons de faire comprendre ces idées spirituelles à des hommes charnels, à des hommes quine connaissent que des naissances charnelles, et qui voient invariablement dans ce monde des différences d’âge entre ce qui remplace et ce qui s’en va, entre ceux qui engendrent et ceux qui sont engendrés ? Parmi nous en effet le fils naît après son père, afin de, lui succéder après la mort de celui-ci ; et soit parmi les hommes, soit parmi les animaux, nous voyons toujours les pères plus anciens que les enfants. Ce spectacle perpétuel porte ces Ariens à se faire la même idée de l’ordre spirituel, et plus ils s’appliquent aux choses charnelles, plus facilement ils s’égarent. Ce n’est pas la raison qui les guide, quand on leur annonce ces doctrines erronées ; ils se laissent aller à l’habitude, et c’est l’habitude aussi qui inspire leurs maîtres de mensonge. Que faire donc ? Nous taire ? Que n’y sommes-nous autorisés ! La méditation silencieuse paraît convenir à cet ineffable mystère : car ce qui est ineffable de sa nature est de sa nature inexprimable. Or Dieu est ineffable. Si en effet l’Apôtre Paul, ravi jusqu’au troisième ciel, affirmé y avoir entendu d’ineffables paroles[1] ; combien plus est ineffable Celui de qui viennent ces idées inexprimables pour celui qui les a reçues. Aussi, mes frères, serait-il préférable de nous taire, si nous y étions autorisés, et de nous borner à dire : Voilà ce qu’enseigne la foi, c’est ce que nous croyons ; si tu ne peux le comprendre, c’est que tu es encore du nombre des petits ; prends patience jusqu’à ce que tu aies des ailes ; si tu voulais sans elles prendre ton essor, tu pourrais, non pas voler librement, mais tomber témérairement. – Mais que répliquerait-on ? Ah ! s’il pouvait répondre, dirait-on, il n’y manquerait pas. C’est une excuse pour voiler son impuissance. S’il refuse de répondre, c’est qu’il est vaincu par la vérité même. – Et de fait, lors même que le silence ne prouverait pas que je n’ai rien à répliquer, il pourrait nuire à ceux de nos frères dont la foi n’est pas affermie. Car en entendant l’objection ils s’imaginent qu’il n’y a réellement rien à y répondre, quoiqu’on puisse n’avoir rien à répondre tout en ayant le sentiment de la vérité. On ne peut rien exprimer sans le sentir, mais on peut sentir sans pouvoir exprimer.
8. Si néanmoins, sans déroger à l’ineffabilité de cette Majesté suprême, nous employons des comparaisons pour réfuter ces hérétiques, que nul ne regarde ces comparaisons comme faisant connaître complètement ce que les faibles ne sauraient ni exprimer ni penser même ; car s’il est des esprits plus avancés ils ne peuvent comprendre qu’en partie, ils ne peuvent voir qu’en énigme et à travers un miroir. Produisons donc ces comparaisons pour réfuter les hérétiques et non pour expliquer le mystère. Que font-ils d’ailleurs pour nous combattre, lorsque nous soutenons la possibilité pour le Verbe de naître du Père et d’être aussi ancien que lui ? Ils font des comparaisons, des comparaisons tirées de la créature. Un homme, disent-ils, existe avant d’avoir un fils, il est plus ancien que son fils ; ainsi en est-il du cheval, du mouton, de tous les autres animaux. Voilà bien des comparaisons tirées des créatures.
9. Faut-il alors que nous nous fatiguions à découvrir des similitudes pour établir les vérités dont nous nous occupons ? Et si je n’y réussissais pas, ne pourrais-je pas répondre qu’à la génération du Créateur il n’y a rien de semblable dans la créature ? Autant en effet sa nature divine surpasse les natures créées, autant sa génération l’emporte sur les générations naturelles. Tout a été fait par Dieu, et qu’y a-t-il néanmoins qui lui soit comparable ? Tout aussi naît avec son concours ; et n’est-il pas aussi impossible de signaler des similitudes qui représentent sa génération, que d’en signaler qui figurent sa nature, son immutabilité, sa divinité et sa majesté ? Qu’y a-t-il ici qui puisse nous donner l’idée de ces attributs ? Si donc je ne pouvais indiquer non plus aucune génération

  1. 2Co. 12, 4