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pas sur leurs blessures, mais sur leur mort.
2. Que dit donc le Seigneur Jésus ? « Pourquoi vous troublez-vous et pourquoi ces pensées s’élèvent-elles dans votre cœur ? » Si elles s’élèvent, c’est qu’elles montent, montent de la terre. Ce qui est avantageux à l’homme, ce n’est pas que des pensées s’élèvent dans son cœur, c’est que son cœur s’élève en haut, en haut où l’Apôtre cherchait à établir les cœurs des croyants lorsqu’il leur disait : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, goûtez les choses d’en haut, où le Christ est assis à, la droite de Dieu ; cherchez les choses d’en haut et non les choses de la terre. Car vous êtes morts et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, apparaîtra, alors vous aussi vous apparaîtrez avec lui dans la gloire [1]. » Dans quelle gloire ? De la résurrection. Dans quelle gloire ? Écoute l’Apôtre parlant de notre corps : « Il est semé dans l’abjection, il ressuscitera dans la gloire[2]. » Or les Apôtres ne voulaient pas accorder cette gloire à leur Maître, à leur Christ, à leur Dieu ; ils ne croyaient pas qu’il eût pu ressusciter son corps dans le sépulcre ; ils voyaient en lui un esprit tout en voyant sa chair, ils n’en croyaient pas leurs propres regards ; tandis que nous, nous croyons sur leur parole et quoiqu’ils ne nous montrent pas la réalité. Le Christ se montrait lui-même à eux et ils ne le croyaient pas. Quelle blessure ! ô divines cicatrices, venez la guérir. « Pourquoi vous troublez-vous et pourquoi ces pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds ; » c’est par là que j’ai été cloué. « Touchez et voyez. » Mais vous voyez sans voir. « Touchez et voyez. » Quoi ? « Qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. En parlant ainsi, il leur montra ses mains et ses pieds », comme on vient de le lire.
3. « Comme ils tremblaient encore et étaient transportés d’admiration et de joie. » Les voilà dans la joie et pourtant ils tremblent encore c’est qu’une chose incroyable était arrivée, quoique réellement accomplie. Est-ce aujourd’hui un fait incroyable que le corps du Seigneur soit sorti du tombeau ? Mais le monde entier le croit, on est coupable de ne le croire pas. Alors au contraire le fait était incroyable ; et Jésus le montrait, non-seulement aux yeux ; mais aux mains, afin de faire entrer la foi dans le cœur par le moyen des sens ; et afin que cette foi descendue ainsi dans le cœur, pût s’annoncer dans le monde et s’imposer avec fermeté à des hommes qui croiraient sans voir et sans toucher.« Avez-vous ici, poursuit le Sauveur, quelque chose à manger ? » Bon Maître, il rie néglige rien pour affermir la foi. Il n’avait pas faim et il demandait à manger. Il mangea donc parce qu’il le pouvait, non parce qu’il avait besoin. Que les disciples reconnaissent ici la réalité de son corps, puisque le monde les en croira eux-mêmes sur parole.
4. Est-il encore des hérétiques pour s’imaginer qu’en se montrant aux regards, le Christ n’avait pas un corps véritable ? Qu’ils déposent cette idée et se laissent persuader par l’Évangile. Nous ne les blâmons pas de l’avoir eue, mais le Christ les condamnera s’ils la conservent. Qui es-tu donc pour croire qu’il ait été impossible, au corps du Sauveur de sortir vivant du tombeau ? Es-tu Manichéen ? En ne croyant ni à la réalité de sa mort sur la croix, ni à la réalité de sa naissance, tu l’accuses d’avoir trompé toujours. Ainsi, il trompe, et tu dis vrai ? Ta bouche ne ment pas, et tout son corps est menteur ? Tu prétends qu’il a montré aux yeux ce qu’il n’était pas, qu’il n’était qu’un esprit sans corps. Écoute-le ; il t’aime et ne veut pas te condamner ; écoute-le, c’est à toi qu’il parle ; oui, malheureux c’est à toi qu’il dit : Pourquoi te troubles-tu et pourquoi ces pensées s’élèvent-elles dans ton cœur ? « Voyez, poursuit-il, mes mains et mes pieds. Touchez et voyez qu’un esprit n’a ni os ni chair comme vous voyez que j’en ai. » Ainsi parlait la Vérité même, trompait-elle ? C’était un corps véritable, une chair réelle ; on voyait ce qui avait été dans le tombeau. Que le doute disparaisse et fasse place à de légitimes louanges.
5. Le Seigneur se montra donc à ses disciples. Lui, qu’est-ce à dire ? Lui, le chef de son Église. Il voyait que cette Église allait se répandre dans le monde ; ses disciples ne le voyaient pas encore. Mais en montrant le Chef, Jésus promettait de montrer le corps. En effet, que dit-il ensuite ? « Voilà ce dont je vous ai entretenus lorsque j’étais encore au milieu de vous. » Que signifie : « Lorsque j’étais encore au milieu de vous ? » N’était-il plus avec eux lorsqu’il leur adressait ce langage ? Que signifie donc : « Lorsque j’étais encore avec vous ? » Lorsque j’étais avec vous mortel, ce que je ne suis plus. J’étais avec, vous, lorsque je devais mourir. « J’étais

  1. Col. 3, 1-4
  2. 1Co. 15, 43