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comparés à une grande multitude. De l’aire du Seigneur doit sortir une telle quantité de bons grains, qu’ils rempliront les greniers célestes. Le Christ effectivement ne saurait se contredire. S’il a dit qu’il y en a peu pour entrer par la porte étroite et beaucoup pour périr en suivant la voie large ; ailleurs il a dit aussi : « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident[1]. » C’est que ceux-ci sont aussi en petit nombre ; ils sont à la fois nombreux et peu nombreux. Les nombreux et les peu nombreux seraient-ils différents les uns des autres ? Non. Les mêmes sont en même temps nombreux et peu nombreux ; peu nombreux comparativement aux réprouvés, et nombreux absolument dans la société des Anges. Écoutez, mes bien-aimés, voici ce qu’on lit dans l’Apocalypse : « Je vis venir ensuite, avec des robes blanches et des palmes, des élus de toute langue, de toute race et de toute tribu ; c’était une multitude que personne ne saurait compter[2]. » Cette multitude est la grande assemblée des saints. Quand donc l’aire sera vannée ; quand cette multitude sera séparée de la foule des impies, des chrétiens mauvais et hypocrites ; quand seront jetés aux feux éternels ces hommes perdus qui pressent Jésus-Christ sans le toucher, car l’hémorrhoïsse touchait la frange du Christ tandis que la foule le pressait à l’importuner ; quand enfin tous les réprouvés seront éloignés, et que debout à la droite du Sauveur, la masse purifiée des élus ne craindra plus ni le mélange d’aucun homme méchant, ni la perte d’aucun homme de bien et qu’elle commencera à régner avec le Christ, quel éclat et quelle force ne prendra point sa voix et avec quelle confiance ne s’écriera-t-elle pas : « Je sais que le Seigneur est grand ![3] »
2. Par conséquent, mes frères, si j’ai ici de bons grains devant moi, s’ils comprennent ce que je dis et sont prédestinés à l’éternelle vie, qu’ils s’expriment par leurs œuvres plutôt que par des applaudissements. Nous sommes forcés de vous parler comme nous n’aurions pas dû le faire ; car nous aurions dû trouver de quoi louer en vous sans être obligés de chercher à vous reprendre. Je vais expliquer ma pensée sans différer plus longtemps. Reconnaissez la vertu d’hospitalité, elle a mené jusqu’à Dieu. Recevoir un hôte, c’est recevoir un compagnon de voyage, puisque nous sommes tous voyageurs ; et au sein de son pays, dans sa propre demeure, le vrai chrétien se considère comme voyageur. Notre, vraie patrie n’est-elle pas le ciel ? C’est là seulement que nous ne serons pas étrangers ; car chacun l’est ici, même auprès de son foyer. Si quelqu’un ne l’est pas, qu’il ne quitte donc pas sa demeure ; et s’il doit la quitter, n’est-ce pas une preuve qu’il est voyageur ? Qu’on ne se fasse pas illusion, bon gré, mal gré, on est étranger ici-bas. Car on laisse sa maison à ses enfants, comme un hôte laisse l’hôtellerie à d’autres hôtes. Pourquoi ? Si tu étais réellement dans une hôtellerie, ne la quitterais-tu pas, pour faire place à d’autres ? C’est ainsi que tu sors de ta maison. Ton père a dû te faire place, tu feras place aussi à tes enfants. Tu demeures pour ne pas demeurer toujours et ceux qui te succéderont seront comme toi. Si donc nous passons tous, faisons des œuvres qui ne passent pas, afin de les trouver lorsque nous aurons passé et que nous serons parvenus au séjour heureux où rien ne passe. Le Christ s’est fait lui-même le gardien de tes mérites ; pourquoi craindre de perdre ce que tu donnes ? Tournons-nous vers le Seigneur [4], etc. Après – le discours : Nous allons vous rappeler ce que sait déjà votre charité. C’est demain l’anniversaire de la consécration du vénérable Aurèle[5] : il a daigné s’adresser à mon humilité pour vous prier et vous prévenir de vouloir bien vous rendre, avec la plus grande piété, à la basilique de Fauste. – Grâces à Dieu.

  1. Mat. 8, 11
  2. Apo. 7, 9
  3. Luc. 8, 44, 42
  4. Ser. I
  5. Evêque de Carthage.