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SERMON CX. FAIRE PÉNITENCE[1].

ANALYSE. – En menaçant le figuier stérile et en redressant la femme malade qui était courbée depuis dix-huit ans, le Sauveur nous invite à faire de dignes fruits de pénitence en vue du ciel. Car il viendra réellement juger les hommes : tant de prophéties qu’il a déjà accomplies ne nous permettent pas de douter qu’il n’accomplisse également ce qu’il a prédit du jugement dernier.


1. À propos du figuier qui était planté depuis trois ans sans porter de fruit, et à propos de cette femme malade depuis dix-huit ans voici ce que m’inspire le Seigneur. Le figuier désigne le genre humain, et ses trois ans, les trois époques de l’humanité : avant la loi, sous la loi et sous la grâce. Il n’est pas étrange de voir le genre humain dans ce figuier. Le premier homme, après son péché, ne voila-t-il pas sous des feuilles de figuier les membres de la génération[2] ? Honorables avant le péché, c’est depuis seulement que ces membres sont devenus les membres honteux. Auparavant encore nos premiers parents étaient nus et ils n’en rougissaient pas. Pourquoi auraient-ils rougi, puisqu’ils étaient sans péché ? Pouvaient-ils rougir des œuvres de leur Créateur, quand ils n’en avaient altéré la pureté par aucune action mauvaise, n’ayant point encore touché l’arbre de la science du bien et du mal, où Dieu leur avait interdit de porter la main ? Ce fut seulement après qu’ils eurent péché en mangeant de ce fruit, qu’ils donnèrent naissance au genre humain et que l’homme naquit de l’homme, le débiteur d’un débiteur, le mortel d’un mortel, le pécheur d’un pécheur. Ainsi le figuier stérile désigne parfaitement ceux d’entre les hommes qui ont refusé constamment de porter des fruits et qui pour ce motif sont menacés, comme l’étaient de la cognée les racines de cet arbre ingrat : Le jardinier intercède, et pour employer un moyen efficace l’exécution est ajournée. Ce jardinier rappelle tous les saints qui prient dans l’Église pour tous ceux qui sont hors de l’Église. Mais que demandent-ils ? « Seigneur, laissez-le cette année encore » c’est-à-dire, durant cette époque de grâce, épargnez les pécheurs, épargnez les infidèles, épargnez les âmes stériles, épargnez les cœurs infructueux. « Je creuse autour de lui et j’y mets une charge de fumier. S’il en profite, c’est bien ; sinon, vous viendrez ; et l’abattrez. » « Vous viendrez quand ? A l’époque du jugement, quand vous viendrez juger les vivants et les morts. On l’épargne donc provisoirement. Que signifie cette fosse creusée autour de l’arbre, sinon l’exhortation à l’humilité et à la pénitence ? La fosse en effet est une terre abaissée. Il faut prendre en bonne part la charge de fumier. Le fumier est sale, mais il donne du fruit ; il rappelle ainsi la douleur du pécheur ; car faire pénitence, la faire avec intelligence et sincérité, c’est la faire dans l’ignominie. À cet arbre mystérieux il est donc dit : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche.[3] »
2. Que signifie aussi cette femme malade depuis dix-huit ans ? Dieu termina son œuvre en six jours. Or, trois fois six font dix-huit, et les trois années de l’arbre ne rappellent pas autre chose que ces dix-huit ans. Cette femme était courbée, sans pouvoir regarder le ciel ; ainsi donc on lui disait inutilement d’y élever son cœur. Le Seigneur la redressa ; c’est que pour les enfants de Dieu il y a espoir jusqu’au jour du jugement.L'homme se vante beaucoup. Mais qu’est-ce que l’homme ? Il est quelque chose de grand avec la justice ; et toutefois l’homme juste n’est tel que par la grâce de Dieu. « Qu’est-ce en effet que « l’homme, si vous ne vous souvenez de lui ?[4] » Veux-tu le savoir ? « Tout homme est menteur[5]. » Nous venons de chanter : « Levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe point[6]. » Qu’est-ce à dire, « que l’homme ne triomphe point ? » Les Apôtres n’étaient-ils pas des hommes ? Les martyrs n’en étaient-ils pas également ? Notre-Seigneur Jésus lui-même n’a-t-il pas daigné se faire homme sans cesser d’être Dieu ? Que signifie donc : « Levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne triomphe pas ? » – Si tout homme est menteur, lève-toi, ô Vérité, et que la fausseté ne prévale point. Ainsi donc, si l’homme aspire à devenir bon, qu’il ne cherche pas à l’être par lui-même, car en cherchant à être lui-même il sera menteur ; et pour être véridique, il le sera parla

  1. Luc. 13, 6-17
  2. Gen. 3, 7
  3. Mat. 3, 2
  4. Psa. 8, 5
  5. Psa. 115, 2
  6. Psa. 9, 20