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t-il de plus clair, qu’y a-t-il de plus évident ? Qu’ils viennent donc ! S’ils ont la même foi que nous, ils recevront l’Esprit-Saint qu’ils ne peuvent posséder tant qu’ils restent les ennemis de l’unité. Mais l’Apôtre les compare aux Mages de Pharaon qui succombaient au troisième prodige. « Ils ont, dit-il, l’apparence de la piété, mais ils en repoussent la réalité[1]. »
14. Mais pourquoi ont-ils succombé au troisième prodige ? Rappelez-vous que celui qui combat l’unité n’a point le Saint-Esprit. Or les trois premiers préceptes du Décalogue se rapportent à l’amour de Dieu, les sept autres à l’amour du prochain ; et dans les deux tables ou les dix préceptes, sont compris ces deux commandements sommaires : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force ; tu aimeras aussi ton prochain comme toi-même : ces deux commandements « embrassent toute la Loi et les prophètes[2]. » Donc rapportons à l’amour de Dieu les trois premiers préceptes. Quels sont-ils ? Voici le premier : « Tu n’auras point d’autres dieux que moi. » La plaie contraire est l’eau changée en vin, pour rappeler comment le principe suprême, le Créateur a été assimilé à un homme de chair. Le second précepte : «  Ne prends pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu » se rapporte, me semble-t-il, au royaume de Dieu, c’est-à-dire à son Fils. Car il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui tout existe. Pour venger ce Verbe de Dieu voici la plaie des grenouilles. Elles sont à la parole comme le bruit est à la raison, comme la vanité à la vérité. Le troisième précepte, relatif au sabbat, se rapporte à l’Esprit-Saint, à cause de la sanctification qui s’y trouve principalement attachée ; nous venons nous de vous le rappeler aussi bien que nous l’avons pu. A ce précepte est opposée l’agitation produite par les mouches qui naissent de la corruption et se jettent dans les yeux. Voilà pourquoi ces ennemis de l’unité qui n’avaient point : l’Esprit-Saint, ont succombé au troisième prodige. Ainsi l’Esprit-Saint l’a voulu pour les punir, car s’il fait grâce, il châtie aussi, il enrichit de sa présence et il délaisse. Enfin pour comprendre plus clairement ce que confessent les Mages de Pharaon, voyons quel nom a été donné à l’Esprit de Dieu dans l’Évangile, comment il a été désigné. Les Juifs ayant dit outrageusement du Seigneur : « Il ne chasse les démons qu’au nom de Béelzébud, prince des démons, » il répondit : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le règne de Dieu est assurément arrivé au milieu de vous [3]. » Ce qu’un autre Évangéliste exprime ainsi : « Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons[4]. » Ce qu’un Évangéliste appelle l’Esprit de Dieu est nommé par l’autre le doigt de Dieu. Ainsi le doigt de Dieu est l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi il est dit que la loi donnée aux Juifs sur le mont Sinaï le cinquantième jour après l’immolation de l’agneau pascal, est écrite par le doigt de Dieu. Cinquante jours s’écoulent donc depuis l’immolation de l’agneau, et la loi est publiée ; cinquante jours s’écoulent également après l’immolation du Christ et le Saint-Esprit descend. Grâces au Seigneur qui cache avec sagesse pour montrer avec plaisir. Considérez maintenant, frères, que les Mages de Pharaon reconnaissent aussi très expressément ce que nous disons. Ils dirent en succombant au troisième prodige : « Le doigt de Dieu est ici, etc.[5] »

  1. 2 Tim. 3, 6
  2. Mt. 22, 37-40
  3. Mt. 12, 24, 28
  4. Lc. 11, 20
  5. Exod. 8, 19