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« Le Père de famille étant entré pour examiner ceux qui étaient à table. » Ainsi, mes frères, le rôle des serviteurs n’était que d’inviter et d’amener les bons et les méchants ; il n’est pas dit : Les serviteurs considérèrent les convives, ils trouvèrent parmi eux un homme qui n’avait pas le vêtement nuptial et ils lui dirent. Cela donc n’est pas écrit. C’est le Père de famille en personne qui regarde, qui découvre, qui distingue et qui chasse le coupable. Voilà ce qui est écrit. Mais ce que nous avons entrepris de prouver, c’est qu’un seul en faisait plusieurs. « Le Père de famille entra pour examiner les convives ; il rencontra parmi eux un homme qui n’avait pas le vêtement nuptial et lui dit : « Comment es-tu entré ici sans la robe nuptiale ? » Et lui resta muet.» Ah ! c’est qu’il ne pouvait en imposer à Celui qui le questionnait. L’ornement nuptial devait être dans le cœur et non pas recouvrir le corps ; car s’il se fût agi d’un vêtement extérieur, les serviteurs eux-mêmes ne s’y seraient pas mépris. Apprenez en effet où doit se porter ce vêtement mystérieux : « Que vos prêtres, est-il écrit ; soient revêtus de la justice [1] ; » et l’Apôtre dit aussi en parlant du même vêtement : « Si toutefois nous sommes trouvés vêtus et non pas nus[2]. » Aussi bien c’est le Seigneur lui-même qui découvre ce qu’ignoraient ses serviteurs ; et le coupable interrogé gardant le silence, c’est lui encore qui le fait lier, jeter et condamner par tous les autres.

Mais j’ai avancé, Seigneur, que c’est un avertissement adressé par vous à tous les hommes. Donc, mes frères, rappelez-vous avec moi les paroles que vous venez d’entendre et bientôt vous découvrirez ; vous comprendrez que dans ce convive il y en a beaucoup d’autres. Le Seigneur, sans aucun doute, n’en avait interrogé qu’un, c’est à un seul qu’il avait dit : « Mon ami, comment es-tu entré ici ? » Il n’y en eut qu’un non plus pour rester muet et c’est de lui seul qu’il lui dit : «Liez-lui les pieds et les mains et jetez-le dans les ténèbres extérieures : là il y aura pleur et grincement de dents. » Et pourquoi ? « Parce qu’il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. » Qui pourrait résister à cet éclat de la vérité ? « Jetez-le, dit le Seigneur, dans les ténèbres extérieures. » Qui, lui ? Ce seul convive à propos duquel il est déclaré qu’ « il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » Il s’ensuit donc que c’est le petit nombre qui n’est pas jeté dehors. Oui, encore une fois, il n’y en avait qu’un pour ne porter pas la robe nuptiale. « Celui-là jetez-le. » Pourquoi le jeter ? « Parce qu’il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. » Laissez ici le petit nombre, jetez le grand. Non, il n’y en avait qu’un ; mais ce seul convive en représentait un grand nombre, un nombre qui l’emportait sur le nombre des bons. Les bons aussi sont en grand nombre ; ce nombre toutefois est petit, comparé à celui des méchants. Si multipliés que soient les grains de froment, que sont-ils en quantité comparé à la paille ? Ainsi en est-il des justes : nombreux en eux-mêmes, ils ne le sont point en face des méchants.

Comment prouver qu’en eux-mêmes, ils sont nombreux ? « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident », Où viendront-ils ? Est-ce au banquet où sont confondus les méchants avec les bons ? C’est d’un autre banquet qu’il est question, car le Seigneur ajoute : « Et ils seront à table avec Abraham et Isaac et Jacob dans le royaume des cieux [3]. » À ce dernier banquet les méchants ne sont pas admis, et il faut pour y parvenir, s’asseoir dignement au festin actuel. Ainsi donc les élus sont à la fois en grand et en petit nombre ; en grand nombre, si on les considère en eux-mêmes, et en petit nombre, si on les compare aux méchants. Quel est alors l’enseignement que nous donne le Seigneur ? En rencontrant le seul convive qui n’ait pas la robe nuptiale : Qu’on jette dehors la multitude, dit-il, et qu’on conserve le petit nombre seulement. Déclarer en effet qu’« il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus », n’est-ce pas évidemment faire connaître quels sont les convives dignes d’être admis à cet autre banquet où ne s’assoiront point les méchants ?

5. Qu’en conclure ? Vous tous qui prenez part au festin sacré dans la vie présente, ah ! Gardez-vous de la multitude qui doit être rejetée, soyez plutôt du petit nombre qui doit être conservé. Quel moyen employerez-vous ! Revêtez-vous de la robe nuptiale. – Mais qu’est-ce, dira-t-on, que la robe nuptiale ? – La robe nuptiale est, sans aucun doute, une robe qui n’appartient qu’aux bons, qu’à ceux qui doivent rester au festin et qui sont destinés à cet autre banquet où nul méchant ne doit être admis : ceux donc qui par la grâce de Dieu doivent être conduits à ce banquet possèdent la robe nuptiale. Maintenant, mes frères, examinons quels sont, parmi les fidèles,

  1. Psa. 120, 9
  2. 2Co. 5, 3
  3. Mat. 8, 11