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faite ? Pourquoi ne vouloir pas que j e souffre quel que mal et chercher à me rendre mauvais ? Qu peut-il enfin contre moi ? Sur quoi frappe-t-il Sur ma chair. – Oui, dis-tu, il accablera ton corps – Je suppose qu’il lui donne la mort. Ne serait-il pas encore meilleur envers moi que je ne le serais en proférant le mensonge ? Il donne la mort à mon corps ; mais je la donne à mon âme. Ce puissant dans sa colère m’ôte la vie du corps ; mais « la bouche qui ment tue l’âme. » Il donne la mort à mon corps ; mais ne la lui donnât-on pas, ce corps doit mourir ; tandis que si l’âme n’est point tuée par l’iniquité, elle vivra éternellement au sein de la vérité. Conserve ainsi ce que tu peux conserver, et laisse périr ce qui doit périr quelque jour. Voilà une réponse, mais ce n’est point la solution de cette difficulté : « Tout homme est « menteur. » Réponds aussi à ce passage ; autrement il pourrait croire avoir trouvé en faveur du mensonge, un argument dans la loi même et t’avoir porté par la loi à violer la loi. – Or, dans, la loi il est écrit : « Tu ne feras point de faux témoignage[1] ; » il y est écrit également : « Tout homme est menteur. Rappelle-toi maintenant ce que j’ai dit tout-à-l’heure lorsque j’ai donné, comme je l’ai pu, la définition de l’homme doux. L’homme doux est celui à qui rien ne plaît que Dieu, dans tout le bien qu’il fait, et à qui Dieu ne déplaît pas, quelque mal qu’il endure. À cet homme qui te presse de mentir, parce qu’il est écrit que « tout homme est menteur,[2] » réponds donc : Moi je ne mens pas, car il est écrit aussi : « La bouche qui ment tue l’âme ; » moi je ne mens pas, car il est écrit : « Vous perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge ; » je ne mens pas enfin, car il est écrit : « Tu ne feras point de faux témoignage. » Qu’il m’accable le corps, celui à qui il déplaît que je dise la vérité ; j’entends mon Seigneur me dire : « Gardez-vous de craindre ceux qui tuent le corps[3]. »
6. – Comment alors tout homme est-il menteur ? N’es-tu pas un homme ? – Réponds sans hésiter et selon la vérité : Puisse-je donc n’être pas homme pour n’être pas menteur ! – Écoutez en effet : « Le Seigneur, du haut du ciel, a jeté un regard sur les enfants des hommes, pour voir s’il en est un qui ait de l’intelligence et qui cherche Dieu. Tous se sont égarés, tous sont devenus inutiles ; il n’en est pas un qui fassele bien ; il n’en est pas même un seul [4]. » Pourquoi ? Parce qu’ils ont voulu être les enfants des hommes. Mais pour les délivrer de ses iniquités, pour les traiter, pour les racheter, pour les guérir, pour les changer, il a donné à ces enfants des hommes le pouvoir de devenir les enfants de Dieu[5]. Pourquoi s’étonner alors ? Si vous étiez enfants des hommes, vous étiez hommes ; tous vous étiez hommes et par conséquent menteurs, puisque tout homme est menteur. Mais vous avez reçu la grâce de Dieu, elle vous a fait le pouvoir de devenir les enfants de Dieu. Écoute la voix de mon Père : « Je l’ai déclaré, dit-il, vous êtes tous des Dieux et les fils du Très-Haut[6]. » Oui, les hommes étant enfants des hommes s’ils ne sont pas devenus enfants de Dieu, sont menteurs, puisque tout homme est menteur. S’ils sont au contraire les enfants du Très-Haut, s’ils sont délivrés parla grâce du Sauveur et rachetés par son sang précieux, s’ils ont reçu une nouvelle génération de l’eau et de l’Esprit-et qu’ils soient prédestinés à l’héritage du ciel, enfants de Dieu, ils sont sûrement des Dieux. Qu’ont-ils alors de commun avec le mensonge ? Adam n’était qu’un homme, le Christ est un homme-Dieu, Dieu est le Créateur de tout. Adam était un homme, le Christ est un homme médiateur auprès de Dieu, le Fils unique du Père, un Dieu-homme. L’homme est bien éloigné de Dieu et Dieu est bien éloigné de l’homme. Un homme-Dieu s’est placé entre les deux. Chrétien, reconnais le Christ et par cet homme élève-toi vers Dieu.
7. Changez donc, et si nous avons pu quelque chose, devenez doux, et attachons-nous à notre inviolable profession de foi. Pour échapper à cette menace : « Malheur au monde à cause des scandales », aimons la loi de Dieu. Parlons maintenant des scandales qui remplissent le monde ; disons comment les scandales se multiplient avec les afflictions. Le monde est dévasté ; c’est le pressoir qui se foule. Allons, chrétiens, allons, race céleste, vous qui êtes étrangers sur la terre et qui cherchez au ciel une patrie avec le désir d’être associés aux saints Anges, comprenez que vous n’êtes venus ici que pour en sortir. Vous traversez le monde en cherchant avec effort Celui qui a créé le monde. Ne vous laissez pas troubler parles amis du monde, par ceux qui veulent y demeurer, et bon gré mal gré sont forcés de le quitter ; ne vous laissez ni tromper ni séduire par eux. Ces afflictions ne sont pas des

  1. Deu. 5, 20
  2. Psa. 5, 7
  3. Mat. 10, 28
  4. Psa. 13, 2-3
  5. Jn. 1, 12
  6. Psa. 81, 6