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son bien propre, mais le bien d’autrui. » Toi donc, ô avare, si tu résistes à ce conseil, si tu veux y trouver l’autorisation de convoiter le bien d’autrui, sacrifie d’abord le tien. Mais je te connais, tu veux à la fois et ton bien et le bien étranger. Tu emploies l’artifice pour t’approprier ce qui n’est pas à toi ; souffre donc que le vol te dépouille de ce qui t’appartient. Tu ne veux pas ? chercher ton bien, mais tu prends le bien d’autrui. Cette conduite est inique. Écoute, ô avare, prête l’oreille. Ces mots : « Que personne ne cherche son bien propre, mais le bien d’autrui », te sont expliqués ailleurs plus clairement par le même Apôtre. Il dit de lui-même : « Pour moi je cherche, non pas ce qui m’est avantageux, mais ce qui l’est au grand nombre, afin de les sauver [1]. »

C’est ce que ne comprenait pas encore Pierre, lorsqu’il désirait rester avec le Christ sur la montagne. Le Christ, ô Pierre, te réservait ce bonheur après la mort. Pour le moment il te dit : Descends travailler sur la terre, servir sur la terre, et sur la terre être livré aux mépris et à la croix. La Vie même n’y est elle pas descendue pour subir la mort, le Pain, pour endurer la faim, la Voie, pour se fatiguer dans la marche, la Fontaine éternelle pour souffrir la soif ? Et tu refuses le travail ? Ne cherche pas ton intérêt propre. Aies la charité, annonce la vérité, ainsi tu parviendras à l’inaltérable paix de l’éternité.


SERMON LXXIX. LA TRANSFIGURATION[2].

ANALYSE. – Cette allocution que saint Augustin a dû abréger le plus possible, parce qu’on devait lire le récit de miracles dus à un martyr, n’est guère que l’analyse du discours précédent. Nous venons d’assister, pendant la lecture du saint Évangile, au grand spectacle que présenta la montagne, lorsque Jésus Notre-Seigneur se manifesta à trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean. « Son visage resplendit comme le soleil ; » c’était pour indiquer l’éclatante lumière de l’Évangile. « Ses vêtements devinrent blancs comme la neige. » Ce trait désigne la pureté l’Église, à qui il a été dit par un prophète. Si les péchés fussent-ils comme l’écarlate, je te blanchirai comme la neige[3]. » Élie et Moïse s’entretenaient avec Jésus. C’est que la loi et les prophètes rendent témoignage à la grâce évangélique ; car Moïse représente la loi et Élie les prophètes. Si nous nous exprimons avec tant de concision, c’est que nous avons à lire des bienfaits de Dieu accordés par la médiation d’un saint Martyr[4]. Attention nouvelle ! Pierre aurait voulu qu’on dressât trois tentes, une pour Moïse, une pour Élie et une pour le Christ. Il aimait la solitude de la montagne et se sentait fatigué du tumulte des choses humaines. Mais eût-il demandé ces trois tentes, s’il eût connu déjà l’unité qui régnait entre la loi, les prophètes et l’Évangile ? Aussi la nuée descendue lui fit changer de sentiment. « Comme il parlait encore, est-il dit, une nuée lumineuse les enveloppa. » La nuée ne fait qu’une tente ; pourquoi, Pierre, en voulais-tu trois ?

« Et du sein de la nuée : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, dit une voix, en qui j’ai mis mes complaisances : écoutez-le. » Écoutez-le, quand Élie parle ; écoutez-le, quand parle Moïse. Que les prophètes ou que la loi parle, écoutez-le, car il est la voix de la loi et la langue des prophètes. Il s’est expliqué par eux et quand il a daigné, il s’est montré en personne. Écoutez-le, écoutons-le. Figurez-vous que l’Évangile qu’on lisait était comme la nuée d’où se faisait entendre sa voix. Écoutons-le ; faisons ce qu’il enseigne, espérons ce qu’il promet.

  1. 1Co. 10, 24, 33
  2. Mat. 17, 1-8
  3. Isa. 1, 48
  4. Voir au vol. suiv. les disc. relatifs à Saint Étienne.