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et ce corps et ces pieds qui se soutenaient sur les flots. Qui nierait cependant la coopération du Père et du Saint-Esprit à un miracle aussi frappant ? Nous disons encore avec autant de vérité que le Fils seul s’est incarné, et non le Père ni l’Esprit-Saint ; on aurait tort néanmoins — de nier que le Père et le Saint-Esprit aient contribué à cette incarnation qui n’est que l’incarnation du Fils. Nous enseignons également que ce n’est ni le Père ni lé Fils, mais uniquement le Saint-Esprit qui s’est montré sous forme de colombe et sous forme de langues de feu, et qui a donné à ceux sur qui il s’était reposé, la grâce de publier les grandeurs de Dieu en beaucoup de langues diverses [1] : et pourtant, quoique ce miracle soit propre à l’Esprit-Saint, nous ne saurions y contester la coopération du Père et de son Fils unique. Ainsi donc et partout la Trinité entière concourt aux œuvres de l’une des divines personnes ; l’une d’elles agit, les deux autres coopèrent ; il y a dans les trois harmonies parfaites d’action, et dans aucune la puissance ne fait défaut pour compléter son œuvre. On comprend maintenant pourquoi le Seigneur Jésus chasse les démons par l’Esprit-Saint. La force ne lui manquait pas et il n’implorait pas, comme incapable de réussir tout seul, un secours étranger ; il convenait seulement que l’esprit divisé contre lui-même fût mis en fuite par cet Esprit divin que le Père et le Fils possèdent en eux-mêmes, comme un Esprit unique et sans division aucune.
28. Il convenait donc aussi que les péchés n’étant effacés qu’au sein de l’Église, ils ne le fussent que par le même Esprit qui fait l’union de l’Église. Qu’un homme, en dehors de l’Église, se repente de tous ses péchés, mais non du péché formidable qui le tient éloigné de cette Église de Dieu ; à quoi lui sert son repentir, puisqu’il suffit, pour pécher contre le Saint-Esprit, de demeurer étranger à cette Église, qui a reçu le pouvoir de remettre les péchés dans son sein par la grâce du Saint-Esprit ? Bien que la Trinité entière accorde cette rémission, elle est cependant l’œuvre propre de l’Esprit-Saint. Cet Esprit est en effet « l’Esprit d’adoption des fils, en qui nous crions : Père, Père[2] », afin de pouvoir dire à Dieu : « Pardonnez-nous nos péchés[3]. – Et nous savons, dit l’Apôtre Jean, « que le Christ demeure en nous, par l’Esprit qu’il nous a donné[4]. – Ce même Esprit rend « à notre esprit le témoignage que nous sommes, les enfants de Dieu ;[5] » car il est l’auteur de la société sainte qui fait de nous le corps unique du Fils unique de Dieu. C’est pourquoi il est écrit : « S’il est donc quelque consolation dans le Christ, « quelque douceur dans la charité, quelque société dans l’Esprit[6]. » C’était pour figurer cette société que l’Esprit-Saint fit parler les langues de tous les peuples aux premiers disciples sur lesquels il descendit. De même en effet que les langues contribuent à l’union des sociétés humaines ; ainsi convenait-il que cette société des enfants et des membres du Christ, qui devait s’étendre partout, fût désignée par les langues de toutes les nations ; et comme en parlant les divers idiomes on témoignait alors qu’on avait reçu l’Esprit-Saint, ainsi on doit croire l’avoir reçu aujourd’hui, quand on est attaché par le lien de la paix à cette même Église qui se répand de tous côtés. Aussi l’Apôtre dit-il : « Appliquez-vous à conserver l’unité d’Esprit par le lien de la paix[7]. »
29. Cet Esprit est l’Esprit du Père, car le Sauveur a dit : « Il procède du Père[8] ; » et ailleurs : « Ce n’est pas vous qui parlez, c’est l’Esprit de votre Père qui parle en vous[9]. » Il est aussi l’Esprit du Fils. « Dieu, dit l’Apôtre, a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils ; il y crie : Père, Père[10] ; » c’est-à-dire qu’il nous fait crier : car c’est nous qui crions ; mais par lui, par lui répandant la charité dans nos cœurs, puisque sans la charité tout cri n’est qu’un vain cri. C’est ce qui fait dire au même Apôtre : « On n’est pas au Christ, quand on n’a pas son Esprit[11]. » Ainsi donc à laquelle des trois adorables Personnes attribuer spécialement l’union de cette grande société, sinon a l’Esprit-Saint qui est commun au Père et au Fils.
30. Ceux qui sont étrangers à l’Église ne possèdent pas cet Esprit ; l’Apôtre Jude l’exprime sans détour quand il dit : « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes, hommes de vie animale, n’ayant pas l’Esprit[12]. » Aussi en s’élevant contre ces esprits, qui, pour des noms d’hommes vivant même dans l’unité de l’Église, fomentaient des schismes, l’Apôtre dit-il entre autres choses : « L’homme animal ne perçoit pas et qui est de l’Esprit de Dieu ; c’est folie pour lui et il ne le peut

  1. Mat. 3, 16 ; Act. 2, 3-4
  2. Rom. 8, 15
  3. Mat. 6, 12
  4. 1 Jn. 3, 24
  5. Rom. 8, 16
  6. Phi. 2, 1
  7. Eph. 4, 3
  8. Jn. 15, 26
  9. Mat. 10, 20
  10. Gal. 4, 6
  11. Rom. 8, 8
  12. Jud. 1, 19