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je chasse les démons par l’Esprit de Dieu », et si vos enfants, initiés par moi, non pas à des pratiques perverses, mais à la simplicité de la foi, ne peuvent les chasser autrement, c’est une preuve incontestable que parmi vous est arrivé ce royaume de Dieu, qui renverse le trône du diable avec lequel vous tombez vous-mêmes.
3. Il avait dit : « Par qui vos enfants les chassent-ils ? » Afin donc de montrer que c’est par la grâce et non par leur propre mérite, il ajoute : « Comment d’ailleurs peut-on entrer dans la maison du fort et enlever ce qu’il possède, si auparavant on ne lie le fort ? C’est alors qu’on dépouillera sa demeure. » En d’autres termes : « vos enfants eux-mêmes », ces enfants qui déjà ont cru ou qui croiront en moi et qui chassent les démons, non pas au nom du prince des démons, mais par la simplicité et la sainteté ; ces enfants qui étaient assurément ou qui peut-être sont encore ce que vous êtes, c’est-à-dire des impies et des pécheurs et conséquemment des habitants de la demeure du diable, les instruments du démon ; comment pourraient-ils échapper à la dure tyrannie que le règne de l’iniquité lui permettait d’exercer sur eux, si je ne l’étreignais sous les chaînes de ma justice, si je ne lui enlevais ses vaisseaux, dès vaisseaux de colère, pour en faire des vaisseaux de miséricorde ? Tel est aussi le reproche que le saint Apôtre adresse aux superbes qui se glorifient en quelque sorte de leurs mérites. « Qui donc te distingue ? » leur dit-il : qui te distingue, soit de la masse de perdition issue d’Adam, soit des vaisseaux de colère ? Ne dis pas que c’est ta justice : « Qu’as-tu en effet que tu ne l’aies reçu [1] ? ». Aussi disait-il encore de lui-même : « Nous étions par nature enfants de colère comme les autres[2]. » Au moment donc où il persécutait l’Église, la blasphémait, l’outrageait et cédait, comme il l’avoue, aux entraînements de la méchanceté et de l’envie[3], l’Apôtre était aussi un vase d’ignominie dans la demeure de ce fort cruel. Mais Celui qui a su enchaîner le fort a su lui enlever encore ce vase de perdition et en faire un vase d’élection.
4. Aux incrédules et aux impies, ennemis du nom chrétien, il fallait ôter ensuite la pensée que les hérésies diverses et que les schismes de ces malheureux qui rassemblent au nom du Christ des bandes d’hommes perdus, divisent aussi le royaume du Christ contre lui-même. C’est pourquoi le Sauveur continue : « Qui n’est pas avec moi, est contre moi, et qui ne recueille pas avec moi, dissipe. » Il ne dit pas : Qui n’est pas à l’ombre de mon nom ou de mon sacrement mais : « Qui n’est pas avec moi, est contre moi. » Il ne dit pas non plus : Qui ne recueille pas à l’abri de mon nom, mais : « Qui ne recueille pas avec moi, dissipe. » Ainsi donc, le royaume du Christ n’est pas divisé contre lui-même seulement, il est des hommes qui travaillent à diviser ce que le Christ a acheté au prix de son sang. « Le Seigneur tonnait effectivement ceux qui sont à lui, et quiconque invoque son nom, doit s’éloigner, dit-il, de toute iniquité[4]. » En vain implore-t-on le nom du Christ, on n’est pas de son royaume, si l’on n’évite toute iniquité. Voici quelques exemples : l’esprit d’avarice et l’esprit de débauche sont divisés, puisque l’un retient tandis que l’autre dissipe, et ces deux esprits règnent dans l’empire du diable. On voit chez les idolâtres l’esprit de Junon et celui d’Hercule également opposés entre eux, tous deux néanmoins appartiennent aussi au même empire. Il en est de même des païens et des juifs, ennemis du Christ ; des Ariens et des Photiniens, hérétiques les uns et les autres ; des Donatistes et des Maximianistes, également hérétiques ; de tous les vices et de toutes les erreurs des mortels : si contraires et si opposés qu’ils soient entre eux, tous font partie du royaume du démon ; aussi ce royaume ne tiendra pas. Au contraire, le juste et l’impie, le fidèle et l’incrédule, le catholique et l’hérétique sont à la vérité divisés entre eux, mais ils n’appartiennent pas également au royaume du Christ : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui. » Qu’on ne présume pas du nom que l’on porte ; et pour trouver un appui dans le nom du Seigneur, « que celui qui l’invoque s’écarte de toute iniquité. »
5. Mais s’il y avait, dans ces paroles évangéliques, quelques difficultés qu’il me semble avoir éclaircies, avec l’aide du Seigneur ; il y en avait certes moins que dans les paroles suivantes « C’est pourquoi je vous le déclare : Tout péché et tout blasphème contre l’Esprit ne sera point remis. Et quiconque aura dit un mot contre le Fils de l’homme, il lui sera remis ; mais si c’est contre l’Esprit-Saint, il ne lui sera remis ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir »,

  1. 1 Co. 4, 7
  2. Eph. 2, 3
  3. 1 Ti. 13
  4. 2 Ti. 2, 19