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n’avez pas fait encore votre offrande, faites-la ; croyez-moi, ce n’est pas une perte. Que dis-je ? Vous ne perdez que ce que vous ne mettez point sur le char de la charité. Nous allons distribuer aux pauvres ce que vous avez donné, je parle à ceux qui ont donné. Mais nous avons beaucoup moins que d’ordinaire ; secouez votre indolence. Je me fais mendiant pour les mendiants. Que m’importe ? Ah ! que je sois mendiant pour les mendiants, pourvu que vous comptiez au nombre des enfants !

SERMON LXVII. DEUX SORTES DE CONFESSION[1].

Les termes confesser et confession ne signifient pas seulement l’aveu des péchés, ils désignent aussi la célébration des divines louanges, quoique, à vrai dire, l’aveu de nos iniquités implique nécessairement la glorification de Dieu qui nous rend la vie de la grâce. Or il faut vous appliquer à louer Dieu : c’est le moyen d’échapper aux traits de l’ennemi, d’obtenir d’abondantes bénédictions, au lieu que s’attribuer quelque bien que ce soit, c’est se rendre coupable de ce pernicieux orgueil que Dieu maudit.

1. Pendant la lecture du saint Évangile, nous avons vu le Seigneur Jésus tressaillir dans l’Esprit-Saint et s’écrier : « Je vous confesse, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que vous avec caché ces choses aux sages et aux prudents et que vous les avez révélées aux petits. » Si d’abord nous considérons ces paroles du Seigneur avec respect, avec soin et principalement avec piété, nous remarquerons bientôt que le terme de confession ne désigne pas toujours dans les Écritures l’aveu du pécheur. Ce qui nous oblige surtout à vous rappeler cette vérité et à donner à votre charité cet avis, c’est qu’au moment où le lecteur prononçait ce mot, quand vous avez entendu dire au Seigneur : « Je vous confesse, mon Père », on vous a entendus vous-mêmes vous frapper en même temps la poitrine. Vous vous l’êtes frappée à cette parole : « Je vous confesse. » Qu’est-ce en effet que se frapper la poitrine, sinon accuser ce qui est caché dans le cœur, et se punir visiblement des péchés secrets ? Pourquoi vous êtes-vous ainsi frappés, sinon parce que vous avez entendu : « Je vous confesse, mon Père ? » Vous avez bien entendu : « Je vous confesse ; » mais vous n’avez point observé quel est Celui qui confesse. Remarquez-le maintenant ; et puisque « Je vous confesse » a été proféré par le Christ, par le Christ si éloigné de tout péché, ce terme ne rappelle pas toujours le péché, mais quelques fois aussi la louange. Ainsi nous confessons quand nous louons Dieu et quand nous nous accusons nous-mêmes ; et tu fais acte de piété soit quand tu te reprends toi-même de n’être pas sans péché, soit quand tu loues le Seigneur qui n’en peut avoir aucun.

2. Et même à bien prendre les choses, en t’accusant tu loues Dieu. Pourquoi en effet confesses-tu ton péché ? Pourquoi t’accuses-tu ? N’est-ce point parce que tu es revenu de la mort à la vie ? L’Écriture dit en effet : « un mort ne peut confesser, car il est comme s’il n’était pas[2]. » Mais si un mort ne peut confesser, celui qui confesse est vivant, et s’il confesse son péché, c’est qu’assurément il n’est plus mort. S’il n’est plus mort, qui l’a ressuscité ? Aucun mort ne se ressuscite, et Celui-là seul a pu le faire qui n’était point mort quand son corps l’était. Car il a ressuscité ce qui était mort en lui, et s’il s’est ainsi ressuscité, c’est qu’il vivait réellement, quoique mort dans la chair qu’il devait ranimer, Le Père seul en effet n’a pas ressuscité ce Fils dont parle l’Apôtre quand il dit : « C’est pourquoi Dieu l’a exalté[3] ; » le Fils aussi s’est ressuscité, ou plutôt a ressuscité son corps ; de là ces paroles : « Renversez ce temple et je le relèverai en trois jours[4]. »

Or le pécheur est un homme mort, surtout lorsqu’il est accablé sous le poids de l’habitude, comme Lazare sous le poids de la pierre sépulcrale. C’était peu à celui-ci d’être mort, il était de plus enseveli ; et quiconque est chargé du fardeau d’une habitude mauvaise, d’une vie coupable, c’est-à-dire des passions terrestres, jusqu’à réaliser dans sa personne ce malheur exprimé dans un psaume : « L’insensé a dit dans son cœur : Il n’y a point de Dieu[5] ; » celui-là ressemble

  1. Mat. 11, 25
  2. Sir. 17, 26
  3. Phi. 2, 9
  4. Jn. 3, 19
  5. Psa. 13, 1