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On s’améliore, il est vrai, parle repentir de ses péchés ; mais la pénitence même semble inutile lorsqu’elle ne produit pas des œuvres de miséricorde. C’est ce qu’atteste la Vérité même par la bouche de Jean. À ceux qui s’adressaient à lui, le Précurseur disait effectivement. « Race de vipères, qui vous a montré à fuir la colère qui vous menace ? Faites donc de dignes fruits de pénitence ; et ne dites pas : nous avons pour père Abraham. Car je vous déclare que de ces pierres mêmes Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la cognée a été mise à la racine des arbres. Ainsi tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. » Il a déjà parlé de ces fruits : « Faites de dignes fruits de pénitence. » Si donc on ne porte pas de ces fruits, c’est à tort que l’on espère obtenir par une stérile pénitence la rémission de ses péchés. Mais quels sont ces fruits ? Saint Jean le fait connaître ensuite. Comme les foules l’interrogeaient après son discours et lui demandaient : « Que ferons-nous donc ? » c’est-à-dire : quels sont ces fruits que tu nous engages à produire, avec menaces ? il leur répondait : « Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a pas ; et que celui qui a de quoi manger fasse de même [1]. ». Est-il rien, mes frères, de plus clair, de plus certain, de plus formel ? Et ces paroles. « Tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu », ne rappellent-elles point ce qui sera dit aux réprouvés : « Allez au feu éternel ; car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ? » C’est donc trop peu de renoncer au péché, il faut encore réparer le passé. Il est écrit : « Mon fils as4qpéché ? Ne pèche plus désormais. » Et pour ne laisser pas croire que cela suffit, l’écrivain sacré ajouté : « Prie encore pour tes fautes anciennes, afin qu’elles te soient pardonnées.[2] » Or que te servira-t-il de prier si tu ne te rends digne d’être exaucé en faisant de dignes fruits de pénitence ? Arbre stérile, tu seras coupé et jeté au feu. Si donc vous voulez être entendus lorsque voies priez pour vos péchés « Pardonnez et on vous pardonnera ; donnez et on vous donnera.[3] »


SERMON LXI. DE L’AUMÔNE[4].

ANALYSE. – Ce discours envisage l’aumône à un autre point de vue que le précédent. Dans le discours précédent l’aumône était considérée comme un moyen de conserver ses richesses en obtenant le pardon de ses péchés. Elle est ici présentée comme le moyen d’obtenir de Dieu les grâces qui nous rendent bons, et voici les idées principales que développe Saint Augustin. – Dieu exige que nous lui demandions sa grâce ; elle est effectivement nécessaire pour nous rendre bons. Or si nous donnons en aumônes ce que nous pouvons, il est sur que nous serons exaucés. Dieu ne diffère quelques fois que pour nous exciter à désirer davantage, à proportionner l’ardeur de nos vœux à la grandeur du bienfait sollicité. – Nous devrions considérer aussi que ceux qui implorent notre compassion sont nos frères, et qu’en cherchant à nous enrichir nous nous perdrons par l’orgueil. – Que faut-il donc donner ? Nous devrions donner tout ce qui n’est pas nécessaire à nous nourrir et à nous vêtir comme les pauvres. Néanmoins si nous nous sommes faits des besoins différents, n’hésitons pas à répandre sur eux notre superflu. – Saint Augustin termine en disant qu’il a fait ce discours à la sollicitation des pauvres mêmes.


1. Dans la lecture du saint Évangile le Seigneur nous a exhortés à prier. « Demandez, dit-il, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et il vous sera ouvert : car quiconque demande, reçoit ; et qui cherche, trouve ; et à qui frappe, on ouvrira. Quel est parmi vous l’homme qui présentera une pierre à son fils, si celui-ci lui demande du pain ? Et lui donnera-t-il un serpent, s’il demande un poisson ? Si donc vous qui êtes mauvais, poursuit-il, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants ; combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il ce qui est bon à ceux qui le lui demandent [5] ? » – Remarquez ces mots : « Vous êtes mauvais et vous savez donner de bonnes choses à vos enfants. » La chose est étonnante en effet, mes frères. Nous sommes mauvais et nous avons un bon Père. Qu’y a-t-il de moins contestable ? Nous avons entendu prononcer notre nom : « Vous êtes mauvais ; – et

  1. Luc. 3, 7-11
  2. Sir. 21, 1
  3. Luc. 6, 37-38
  4. Mat. 7, 7-11
  5. Ibid