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donc le Père qui l’a formé d’une femme et soumis à la loi.
10. Êtes-vous surpris que j’aie dit : d’une vierge, et que Paul dise : d’une femme ? Ne vous en étonnez point, ne nous arrêtons pas à cela ; je ne parle pas à des ignorants. L’Écriture emploie les deux expressions ; elle dit : d’une vierge, et : d’une femme. D’une vierge : « Voici qu’une, Vierge concevra et enfantera un Fils [1]. » D’une femme ; vous venez de l’entendre. Mais il n’y a aucune contradiction, car la langue hébraïque appelle femmes, non pas celles qui ont perdu leur virginité, mais toutes les personnes du sexe. La Genèse en présente un exemple frappant, au moment même de la création d’Eve : de cette côte, dit-elle, « Dieu forma la femme[2]. » Ailleurs encore l’Écriture rappelle que Dieu ordonna de séparer les femmes qui n’avaient point connu d’homme[3]. Assez d’explication sur ce point ; ne nous y arrêtons pas davantage, cherchons plutôt à expliquer avec la grâce de Dieu ce qui présente plus de difficultés.
11. Nous avons prouvé que la naissance du Fils est l’œuvre du Père ; démontrons aussi qu’elle est l’œuvre du Fils. Le Fils est né de la Vierge Marie, qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire que dans le sein de cette vierge il a pris la nature de serviteur : la naissance dit Fils est-elle autre chose que cela ? Mais le Fils en est l’auteur comme le Père ; écoutez : « Il avait la nature de Dieu, dit l’Apôtre, et il ne croyait par usurper en s’égarant à Dieu ; mais il s’est anéanti lui-même en prenant la nature de serviteur[4]. » – « Lorsqu’est venue la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme ; son fils qui lui est né selon la chair, de la race de David[5]. » Voilà la naissance du Fils produite par le Père ; mais comme le Fils « s’est anéanti lui-même en prenant la nature de serviteur », sa naissance est aussi son œuvre. La preuve est faite, passons, appliquez-vous à ce qui suit.
12. Démontrons que la passion du Fils est également l’ouvrage et du Père et du Fils. L’ouvrage du Père : « Il n’a point épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous[6]. » L’œuvre du Fils : « Il m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi[7]. » Le Père a livré son Fils, le Fils s’est livré lui-même ; cette passion n’a pesé que sur l’un des deux, mais elle est l’œuvre de l’un et de l’autre ; et, comme la naissance, elle n’a pas été produite par le Père sans le Fils, ni par le Fils sans le Père. Le Père a livré son Fils, le Fils s’est livré lui-même. Qu’a fait ici Judas sinon le péché ? Passons et arrivons à la résurrection.
13. C’est le Fils, et non le Père, qui ressuscite ; mais la résurrection du Fils est l’œuvre du Père et du Fils. L’œuvre du Père : « C’est pourquoi il l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom [8]. » En exaltant son Fils et en le tirant d’entre les morts, le Père l’a donc ressuscité. Le Fils aussi ne s’est-il pas ressuscité ? Sans aucun doute, car il a dit de son corps, en style figuré : « Renversez ce temple, et je le relèverai en trois jours[9]. » Autre preuve : Si la passion consiste à donner son âme, la résurrection consiste à la reprendre. Voyons donc si le Fils a bien pu donner son âme et s’il a fallu que le Père la lui rendit. Il est certain que le Père la lui a rendue, car il est dit dans un psaume : « Ressuscitez-moi et je les châtierai[10] » Mais pourquoi attendez-vous que nous vous montrions le Fils la reprenant de son côté ? N’a-t-il pas dit lui-même : « J’ai le pouvoir de donner mon âme ? » – Mais ce n’est pas encore ce que je vous ai promis ; j’ai dit seulement : « Le pouvoir de la donner ; » et vous applaudissez, parce que vous devancez mes paroles. Formés à l’école du Maître du ciel, vous écoutez attentivement ses leçons, vous les reproduisez avec piété ; aussi vous n’ignorez pas ce qui suit : « J’ai le pouvoir, dit-il, de donner mon âme, et j’ai le pouvoir de la reprendre. Personne ne me la ravit ; mais je la donne et la reprends de moi-même[11]. »
14. Nous avons rempli nos promesses ; nous avons, je crois, prouvé nos propositions par les plus sûrs témoignages. Retenez ce que vous venez d’entendre. Je répète en peu de mots et je vous recommande de conserver dans vos esprits une vérité que je crois fort importante. Le Père n’est pas né de la Vierge, c’est le Fils ; mais cette naissance est l’œuvre du Père et du Fils. Le Père n’a point souffert sur la croix ; mais la passion du Fils est l’œuvre du Père et du Fils. Le Père n’est point ressuscité d’entre les morts ; mais la résurrection du Fils est l’œuvre du Père et du Fils. Voilà la distinction des personnes et l’unité des opérations. Gardons-nous donc de dire que le Père fait quelque chose sans le Fils ou le Fils quelque chose sans le Père. Demanderez-vous si parmi ses miracles Jésus n’en a pas fait quelques-uns sans le Père ? Eh ! Que deviendraient

  1. Is. 7, 14
  2. Gen. 2, 22
  3. Nom. 31, 17-18 ; Jug. 21, 11
  4. Phi. 2, 6-7
  5. Rom. 1, 3
  6. Id. 8, 32
  7. Gal. 2, 20
  8. Phil. 2, 19
  9. Jn. 2, 19
  10. Ps. 40, 11
  11. Jn. 10, 18