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bien et ne te rend pas meilleur. Possède donc les biens qui te rendent bon. Quels sont-ils, demandes-tu ? Exerce le jugement, pratique la justice. Tu as des biens ? Exerce le jugement, pratique la justice, mérite de compter ainsi au nombre des biens qui t’appartiennent. Sois sensible aux leçons qu’ils te donnent : immortel, deviens bon au milieu de ces biens périssables. Sois sensible à leur enseignement : garde-toi de faire le mal pour ne pas périr avec eux.
Il nous reste à examiner encore, mes frères, comment on doit observer la justice et aimer la miséricorde, comment aussi chacun doit être disposé à marcher avec le Seigneur son Dieu. Mais avec l’aide du ciel, nous traiterons une autre fois ces matières devant vous. Prenez acte de mon engagement : je ne veux pas vous fatiguer longtemps, je veux seulement vous venir en aide dans la mesure de mes forces.


SERMON XLIX. Prononcé à la table de Saint Cyprien[1]. PRATIQUER LA JUSTICE[2].

ANALYSE. – En expliquant ce que le Psalmiste appelle pratiquer la justice, saint Augustin aura l’avantage de faire comprendre en même temps la parabole des ouvriers de la vigne, parabole que l’on vient de lire pendant l’office divin. En effet la pratique de la justice n’est autre chose que l’accomplissement de ce que les ouvriers sont obligés de faire dans la vigne du Seigneur. Or pratiquer la justice c’est croire en Dieu et faire ce qu’il commande, c’est ne pas juger témérairement le prochain et le juger avec amour quand on peut le juger, c’est réconcilier les ennemis au lieu d’épouser leurs haines, étouffer en son cœur la haine a sa naissance et pardonner sincèrement comme a fait Jésus-Christ, comme a fait admirablement saint Étienne.


1. Nous venons d’entendre plusieurs saintes lectures et nous devons vous en dire ce que le Seigneur damnera nous suggérer. Mais on retient davantage ce qu’on a ouï en dernier lieu et c’est sur cela que l’on compte entendre parler le prédicateur. Comme on a fini les leçons par la lecture du saint Évangile, je ne doute donc pas que votre charité n’attende de moi quelques réflexions sur la vigne, les ouvriers et le denier de récompense dont il y est fait mention. Je me rappelle néanmoins ce, que j’ai promis dimanche dernier. Je voulais commenter ce qu’on avait lu d’un prophète. Or on avait lu qu’un homme cherchant à savoir par quels sacrifices il pourrait apaiser le Seigneur, il lui avait été répondu que Dieu ne demandait de lui que la pratique du jugement et de la justice, l’amour de la miséricorde et la disposition à marcher avec le Seigneur son Dieu. Aussi ai-je traité du jugement selon mes lumières et le discours s’étant prolongé jusqu’à ne plus me laisser le temps de discuter les autres questions autant que je l’aurais pu, j’ai promis de parler aujourd’hui de la justice. Vous ne serez toutefois pas déçus, vous qui pensiez que je vous entretiendrais de l’Évangile ; car, la justice est la tâche imposée aux ouvriers de la vigne.
2. Supposez que vous êtes vous-mêmes ces ouvriers invités au travail. Venir dès l’enfance, c’est avoir été appelé à la première heure ; l’adolescence est la troisième heure ; la jeunesse, la sixième ; l’âge mûr, la neuvième ; et la vieillesse, la onzième. Du reste n’incidentez point sur ces époques ; écoutez plutôt quel travail vous est imposé et attendez en paix la récompense promise, vous gardant bien de murmurer si elle est égale, pour peu que vous connaissiez quel est votre Maître. Vous connaissez quelle est l’œuvre commandée ; je la rappellerai néanmoins. Écoutez donc ce que vous savez et pratiquez ce qu’on vous a déjà dit. L’œuvre de Dieu est la justice, avons-nous déjà observé. Cependant, comme on demandait au Seigneur Jésus quelle était l’œuvre de Dieu : « L’œuvre de Dieu, répondit-il, est que vous croyiez en Celui qu’il a envoyé. [3] » Il pouvait répondre : L’œuvre de Dieu c’est la justice. Pensez-vous qu’humbles travailleurs nous osions hasarder une interprétation contraire à celle du Père de famille ? Si donc l’œuvre de Dieu c’est la justice, ainsi que je l’ai déjà répété, et si l’œuvre de Dieu, d’après le Seigneur, consiste à croire en lui, ne s’ensuit-il pas que dans cette croyance consiste aussi la justice ? – Mais, répliques-tu,

  1. Voir le sermon XIII.
  2. Mic. 6, 6-8
  3. Jn. 6, 29