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ton tour explique-moi ces paroles : « Je ferai paître. » Qui disait : « Je ferai paître ? » C’est sans contredit Dieu lui-même. Mais en parlant ainsi il n’ôtait point au Christ les fonctions de pasteur ; ainsi ne lui ôte-t-il point la divinité en disant : « Je serai leur Dieu. » Le Christ est pasteur et le Père est pasteur ; de même le Père est Dieu et le Christ est Dieu. Du Christ pasteur tu ne sépares pas le Père, ainsi de la divinité du Père ne sépare pas le Christ. Le Père partage avec le Fils la tendresse du Pasteur, et le Fils possède avec le Père l’égalité de la nature divine. S’il ne parlait pas ainsi, tu confondrais le Père avec le Fils. Il s’agit dont ici de l’unité de la nature et de la distinction des personnes divines ; et quand il dit : « C’est lui qui fera paître, je serai leur Dieu », sans se séparer de son Fils et sans séparer son Fils de lui, il veut montrer que le Fils est un même Dieu avec le Père, et le Père un même pasteur avec le Fils.« Moi le Seigneur je serai leur Dieu et mon serviteur David, prince au milieu d’eux. » Pourquoi au milieu d’eux ? Parce que « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous [1]. » Il est « prince au milieu d’eux. » De là sa qualité de médiateur entre Dieu et les hommes ; car il est Dieu comme le Père et homme avec les hommes. Un médiateur ne peut être ni homme seulement ni Dieu seulement. Il est médiateur. La divinité ne saurait être médiatrice sans l’humanité, ni l’humanité sans la divinité ; entre la pure divinité et l’humanité pure convient comme médiatrice la divinité humanisée et l’humanité divinisée dans la personne du Christ.« Et mon serviteur David sera prince au milieu d’eux. Moi le Seigneur j’ai parlé. – Moi le Seigneur », et non pas je ne sais quel hérétique.
22. « Et je ferai pour eux un testament de paix. » Il le fera, « par le ministère de Celui qui a dit : Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix[2]. » Ainsi le testament de notre père est un testament de paix. Qu’on divise entre les héritiers ordinaires les patrimoines communs ; l’héritage de la paix ne saurait se diviser. Or le Christ est notre paix. La paix réunit et ne divise pas. Aussi est-il dit : « Il est notre paix et de deux il a fait un[3]. » Il s’agit ici du testament de Dieu, d’un héritage qui est la paix. Qu’il soit donc possédé par tous d’un commun accord, et non pas divisé par l’esprit de chicane.« Et je ferai pour eux un testament de paix. » Attention, hérétiques ! Apprenez du Pasteur que son testament est un testament de paix, entrez dans cette paix. Courroucez-vous contre les empereurs chrétiens qui invalident les testaments qui se font dans vos familles. N’est-ce pas néanmoins un châtiment bien convenable ? Et qu’est-ce que cette annulation de vos testaments ? À quoi la comparer ? C’est un avertissement et pas encore la condamnation. Dieu en effet a pris parti pour son testament de paix. Tu souffres si le tien est sans valeur dans ta famille. Néanmoins tu dois mourir et tu ignoreras ensuite ce qui se fera dans ta famille. « En ce jour, est-il écrit, périront toutes ses pensées [4] ; » et « il ne connaîtra plus sa demeure[5]. » Ainsi tu ignoreras après ta mort ce qui se passera dans ta maison et tu souffres néanmoins que ton testament n’y soit pas observé. Pour faire observer le sien, le Christ est sorti du tombeau et il veille du haut du ciel. Ah ! que ton chagrin te réveille et que ta peine serve à te corriger. Pour redresser un bâton, on l’approche du feu ; que la douleur serve également à te redresser ; cette douleur est loin d’être encore la flamme éternelle ; elle est comme la chaleur du foyer qui doit faire disparaître les tortuosités de ton cœur, t’avertir et te corriger. Ressens, et tu as raison, la douleur que ton testament n’ait aucune valeur dans ta propre maison. Mais la maison de Dieu est ton cœur, et si tu désires que ton testament soit observé dans ta demeure, pourquoi ne veux-tu pas respecter dans la maison de Dieu le testament divin ? Que laisses-tu à tes enfants ? Des pierres ; et si tu sais qu’ils se les partagent autrement que tu ne l’as voulu, tu en es peiné. Quel soin, quelle sollicitude pour une vile maison, pour un toit ruineux ! Comme tu luttes de toutes tes forces contre une fièvre brûlante, contre la maladie qui t’accable, contre la mort qui te presse, exhalant avec peine tes dernières paroles pour achever ton testament ! Combien tu consultes d’hommes de lois, à combien d’artifices tu as recours pour en assurer la validité malgré la loi de l’Empereur ! Entends-tu Dieu te répondre Pourquoi ces artifices, pourquoi ces formules trompeuses ? Tu veux que l’on observe ton testament ? Observe fidèlement le mien. Tu te plains que ton domaine passe à qui tu ne voulais pas ? Que dois-je dire de l’héritage religieux que je laisse si étendu ? « Toutes les nations seront bénies dans ta postérité[6]. » Ainsi ai-je parlé à mon

  1. Jn. 1, 14
  2. Ibid, 14, 27
  3. Eph. 2, 14
  4. Ps. 145, 44
  5. Id. 102, 16
  6. Gen. 22, 18