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troupeau, parce que sous ce rapport, le Père est au-dessus de lui. Reconnais qu’il n’y a qu’un pasteur et que le Christ en fait les fonctions : « Mon Père et moi nous sommes un[1]. » Reconnais que le Christ est suscité pour être pasteur : « Mon Père, est au-dessus de moi[2]. » Il n’y a donc qu’un pasteur, car « étant de la nature de Dieu, il n’a pas cru usurper en s’égalant à Dieu. » Il est suscité pour être pasteur, car « il s’est anéanti en prenant la forme de serviteur. » C’est ce qu’atteste aussi notre prophète quand il dit : « Mon serviteur David. » Serviteur, dans la forme de serviteur. Serviteur, car « il s’est anéanti lui-même, prenant la forme de serviteur, devenu semblable aux hommes et reconnu pour homme par les dehors. Il s’est humilié lui-même, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix. » Qu’il s’éveille donc pour nous paître. « C’est pourquoi, poursuit l’Apôtre, Dieu l’a relevé » d’entre les morts « et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. » Ainsi, après avoir suscité son serviteur David ; après avoir ressuscité sa nature de serviteur qu’il a placée à sa droite, « il lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. » Et quelle est la mesure, l’étendue de sa direction pastorale ? « Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans des enfers[3]. » O vanité hérétique, à quelles étroites limites réduis-tu cet immense domaine ? As-tu assez de confiance à tes fortes épaules et à tes cornes superbes pour entreprendre, non pas de réunir le troupeau autour du Pasteur, mais d’éloigner le Pasteur du troupeau ? « Mon serviteur David les fera paître. » Brebis fidèles, écoutez votre pasteur David, écoutez la voix de David votre pasteur, et non la voix des voleurs ni les hurlements des loups. « Mon serviteur David les fera paître ; il les fera paître lui-même. » O bienfait mémorable ! « Il les fera paître lui-même. » Que nul autre que lui ne s’appelle pasteur. « Il les fera paître lui-même. » Celui donc qui veut conduire doit s’unir, à lui, car c’est lui qui « les fera paître lui-même. » Dieu disait tout-à-l’heure : « Je les ferai paître ; il dit maintenant : « c’est lui qui les fera paître. » Et le Fils nous assure que ces deux assertions sont également vraies, car « mon Père et moi, dit-il, nous sommes un. » Dieu a dit : « Je ferai paître ; » et il ne ment pas en ajoutant« C’est lui qui fera paître ; » il a dit : « C’est lui qui fera paître », et il ne ment pas en disant encore : « Je ferai paître. » – « Tu ne crois pas, dit le Sauveur, que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père [4]. » Il est juste de dire : « Je ferai paître ; » il est juste de dire : « C’est lui qui fera paître. » Il y a ici distinction sans séparation. « Il les fera paître. » Ne craignez point, brebis : Celui qui a dit : « C’est lui qui les fera paître », ne vous abandonnera pas. Dieu lui-même est votre pasteur, Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Mais il fallait distinguer la nature de serviteur, la distinguer, non la séparer ni la transporter sur une personne différente. Le Créateur en effet s’est uni à la créature sans se transformer en elle ; il a pris ce qu’il n’était pas, sans perdre ce qu’il était.
21. « Mon serviteur David les fera paître ; lui-même les fera paître et sera leur pasteur, et « moi qui suis le Seigneur je serai leur Dieu. » Soyez attentifs, mes frères ; voyez ici l’unité de la divinité et la distinction des personnes, et gardons-nous de confondre le Fils avec le Père ou le Père avec le Fils. Il a dit : « Lui-même les fera paître ; » et il venait de dire : « Je les ferai paître moi-même. » Il poursuit : « Et il sera leur pasteur ; pour moi, le Seigneur, je serai leur Dieu. » Expliquez-nous ceci, Seigneur ; que personne ne trouble l’eau, et buvons limpide ce qui coule d’une source limpide. Que signifie cette espèce de partage : « Il sera leur pasteur ; pour moi je serai leur Dieu ? » Serait-il vraiment notre pasteur et vous notre Dieu ? Et pourquoi, Seigneur, ne seriez-vous pas au contraire notre pasteur et lui notre Dieu ? Écoute tranquillement, écoute avec douceur, afin de comprendre[5]. Peut-être y a-t-il ici quelque adversaire qui a bu à la coupe empoisonnée des hérétiques et qui se rit de moi quand je répète que le Père et le Fils ne forment qu’un seul Dieu : et pourtant rit-il de tous ces milliers de frères qui n’avaient qu’une âme[6] ? Cet homme me dit donc : Dieu l’enseigne expressément : « Mon serviteur David sera leur pasteur », et dans ce David tu as vu et il fallait voir le Christ ; car, ainsi que tu l’as remarqué, David était mort à l’époque de cette prophétie. Il est donc bien vrai que le Christ « sera leur pasteur. » Mais Dieu ajoute : « Et moi le Seigneur je serai leur Dieu ; » conséquemment l’un est « pasteur et l’autre est Dieu. » À

  1. Jn. 10, 30
  2. Id. 15, 28
  3. Phil. 2, 6-10
  4. Jn. 15, 10, 9
  5. Sir. 5, 13
  6. Act. 4, 32