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commencer par Jérusalem [1]. » Voilà d’où il viendra. Quand il dit : à commencer, il fait entendre que c’est de là qu’il viendra avec ses saints vers les autres peuples. Lis maintenant, au livre de Josué, le partage de la terre fait à toutes les tribus des fils d’Israël ; il y est dit en propres termes : « Jébus, c’est-à-dire Jérusalem, du côté de l’Auster, ab Africo[2]. » Lis, cherche, tu le trouveras. Puisses-tu croire après l’avoir trouvé, puisses-tu alors déposer tes préventions. « Jébus, c’est-à-dire Jérusalem, du côté de l’Auster. » Ainsi ces expressions du Seigneur : « à commencer par Jérusalem », ont le même sens que celles-ci : « Dieu viendra du côté de l’Auster. » Et la montagne ombragée ? Lis encore l’Évangile. C’est du mont des Oliviers que le Christ est monté au ciel. Conclus. Et qu’y a-t-il de plus clair ? D’une part : « du côté de l’Auster », d’autre part : « à partir de, Jérusalem ; » le premier texte est dans la Loi, le second dans l’Évangile. Non-seulement nous lisons : « à partir de Jérusalem », dans le prophète, nous. y voyons encore : « Parmi tous les peuples. » Poursuis la lecture de ces mots que tu as méprisés, que tu as passés sous silence. « Dieu viendra du côté de l’Auster, le Saint viendra de la montagne ombragée, son ombre couvrira les montagnes, sa gloire remplira la terre[3]. » N’est-ce pas ici : « parmi tous les peuples à commencer par Jérusalem ? Dieu viendra du côté de l’Auster, le Saint viendra de la montagne ombragée » et sombre ; c’est-à-dire de la montagne des Oliviers ; car de là il est monté au ciel et il a envoyé ses disciples ; là encore il leur disait avant de les quitter : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps et les moments que le Père a réservés en sa puissance, mais vous recevrez la vertu d’en haut, et vous me servirez de témoins. » Voyez comment débute la prédication : « Vous me servirez de témoins à Jérusalem et dans la Judée, à Samarie et par toute la terre[4]. » Ainsi donc, quand Dieu, quand le Christ est venu, son nom et la prédication de son Évangile sont partis de Jérusalem, c’est-à-dire du côté de l'Auster ; de la montagne ombragée, ou du mont des Oliviers, pour se répandre parmi toutes les nations. « Son ombre couvrira les montagnes », son ombre, le rafraîchissement qu’il donne à l’âme, sa protection ; et sa gloire remplit la terre. Chantez donc, avec toute la terre, le cantique nouveau, et non le cantique ancien avec un coin de la terre.
41. Ils ont encore autre chose. – Simon le Cyrénéen, disent-ils, fut contraint de porter la croix du Seigneur[5]. – C’est ce que nous lisons effectivement ; mais quel argument est-ce pour toi ? Je voudrais le savoir. – Les Cyrénéens poursuivent-ils, sont Africains ; ainsi c’est un Africain qui a été contraint de porter la croix. – Ignorerais-tu où est Cyrène ? C’est à la fois une ville de la Lybie et une ville de la Pentapole, elle touche à l’Afrique et fait plutôt partie de l’Orient. Apprends-le au moins dans le tableau des divisions des provinces de l’Empire ; car c’est l’Empereur d’Orient qui envoie un juge à Cyrène. D’où je conclus en peu de mots : où sont les Donatistes il n’y a pas de Cyrène ; où est Cyrène il n’y a point de Donatistes. Cette incontestable vérité démasque l’erreur. Qu’on me montre Cyrène où sont les Donatistes, qu’on me montre les Donatistes où est Cyrène. Il est en effet manifeste, mes frères, que l’Église Catholique s’étend dans la Pentapole et que là n’est point le parti de Donat. Mais nous pouvons en toute sûreté rire de ce qui doit provoquer nos larmes, et pleurer ce dont nous devons rire. Que dis-tu ? Tu vantes ce Cyrénéen qui a porté la croix du Seigneur et tu veux qu’il soit de l’Afrique. Il est de l’Orient ; car il y a deux Lybies, l’une est vraiment en Afrique, et l’autre en Orient, tout près et vraiment limitrophe de l’Afrique. Admettons toutefois que Simon fut Africain. Tu l’estimes heureux d’avoir porté la croix forcément ? Ne serait-il pas beaucoup plus juste de dire que l’Église du Christ est restée à Arimathie ? Ce n’est en effet ni par force ni par contrainte que Joseph, ce riche d’Arimathie qui travaillait pour le royaume de Dieu, s’approchera de la croix du Seigneur. Pendant que les autres disciples tremblaient, il demanda à Pilate l’autorisation d’ensevelir le corps du Seigneur ; il le déposa de la croix, lui fit des funérailles, le mit dans le sépulcre et mérita d’être loué clans l’Évangile[6]. De ce que ce juste d’Arimathie rendit de si grands honneurs au corps du Sauveur, s’ensuit-il que l’Église est restée à Arimathie ? Ou bien encore, si vous admirez davantage cet homme qu’il fallut contraindre à porter la croix, il s’ensuit que les Empereurs catholiques ont eu raison de vous forcer à rentrer dans l’unité.

  1. Lc. 24, 46-47
  2. Jos. 15, 8
  3. Hab. 3, 3
  4. Act. 1, 7-8
  5. Mt. 27, 32
  6. Mt. 27, 57-60