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pas rachetées de leur sang. « Comme un pasteur visite son troupeau au jour. » Quel jour ? « Au jour de pluie et de nuages. » La pluie et les nuages désignent les erreurs du siècle, les épaisses ténèbres des passions qui couvrent le mondé comme un obscur nuage. Qu’il est alors difficile aux brebis de ne se point égarer ! Mais le Pasteur ne les délaisse point ; il les cherche, il perce les ténèbres de ses yeux pénétrants, il voit nonobstant la profonde obscurité répandue par les nuages de toutes parts, il rappelle les brebis égarées et s’accomplit alors ce qu’il dit lui-même dans l’Évangile : « Celles, qui sont mes brebis entendent ma voix et me suivent[1]. » – « Au milieu des brebis dispersées, et je les délivrerai de tous les lieux où elles s’étaient égarées au jour des nuées et de l’obscurité. » Je les découvrirai quand il sera difficile de les trouver. La nuée est épaisse, les ténèbres sont profondes ; mais rien n’échappe à ses regards.
24. « Et je les retirerai du milieu des nations, et je les recueillerai de toutes les contrées, et je les amènerai dans leur pays et je les ferai paître sur les montagnes d’Israël. » Les montagnes d’Israël sont ici les auteurs des divines Écritures. Paissez là pour vivre en paix. Goûtez tout ce que vous y entendez, rejetez ce qui n’en vient pas. Ne vous égarez pas au milieu des ténèbres, écoutez la voix du Pasteur ; retirez-vous sur les montagnes de l’Écriture ; là sont les délices de votre cœur et rien d’empoisonné, rien qui vous soit contraire, mais de riches pâturages. Vous seules, brebis saines, venez et paissez sur ces monts d’Israël. « Le long des ruisseaux et dans toutes les régions habitables. » Car des montagnes dont nous venons de parler ont coulé les ruisseaux de la prédication évangélique, lorsque la voix des Apôtres s’est fait entendre à toute la terre[2] ; et l’univers entier est devenu alors comme un riant et fertile pâturage. « Je les ferai paître dans de bons pâturages et sur les hautes montagnes d’Israël. Là seront leurs étables ; » c’est-à-dire les lieux où elles prendront leur repos, où elles diront : C’est bien, c’est la vérité, c’est clair, on ne nous trompe pas. Elles reposeront dans la splendeur de Dieu comme dans des étables. « Et elles dormiront », seront en paix, « et se reposeront dans de douces délices. »
25. « Et elles paîtront dans de gras pâturages sur la montagne d’Israël. » J’ai déjà expliqué ce que sont ces montagnes, ces saintes montagnes d’Israël où nous élevons nos regards pour appeler du secours. Mais le secours nous vient du Seigneur qui a l’ait le ciel et la terre [3]. Aussi pour nous empêcher de mettre notre espoir dans ces saintes montagnes, après avoir dit : « Je ferai paître mes brebis sur les montagnes d’Israël », et pour insister plus fortement, il ajoute : « Je les ferai paître moi-même. » Élève donc les yeux vers ces montagnes d’où te viendra le secours, mais écoute aussi Celui qui dit : « C’est moi qui les ferai paître ; » car le secours te vient du Seigneur qui a fiait le ciel et la terre.
26. « Et je les ferai reposer dit le Seigneur Dieu. » Pour leur procurer ce repos il a dû les guérir, comme le prouvent les mots qui suivent « Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Je chercherai celles qui étaient perdues, je rappellerai celles qui étaient égarées, je banderai les blessées, je fortifierai les languissantes, je garderai celles qui sont grasses et fortes. » C’est ce que ne faisaient point les mauvais pasteurs, occupés d’eux-mêmes et non de leur troupeau. Le Seigneur ne dit pas : J’établirai d’autres pasteurs, de bons pasteurs pour faire cela ; il dit : Je le ferai moi-même, je ne confierai mes brebis à personne. Soyez donc tranquilles, mes frères, brebis, soyez tranquilles. N’est-ce pas nous qui devons craindre comme s’il n’y avait plus de bon pasteur ?
21. Il conclut ainsi : « Et je les conduirai avec justice. » Dieu n’est-il pas le seul qui conduise ainsi ? Quel homme en effet est juste envers un autre homme ? Tout est plein de jugements téméraires. Nous désespérions de celui-ci, il se convertit tout-à-coup et devient excellent chrétien ; nous espérions beaucoup de cet autre, tout-à-coup il succombe et devient très-méchant. Nous ne sommes parfaitement sûrs ni de nos craintes ni de nos affections. Qui sait même ce qu’il est aujourd’hui ? et s’il le sait tant soit peu, nui ne connaît ce qu’il sera demain. Dieu conduit donc avec justice, donnant à chacun ce qui lui appartient, une chose à celui-ci, une autre à celui-là et à tous ce qui leur est dû. Il sait ce qu’il à a faire et il dirige avec justice ceux qu’il a rachetés en souffrant injustement. Ainsi nourrit-il avec justice.
28. Nous lisons dans le prophète Jérémie : « La perdrix a crié, elle a rassemblé des petits dont elle n’est pas la mère, réuni des richesses sans

  1. Jn. 10, 27
  2. Ps. 18, 5
  3. Ps. 120, 1-2