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dévoile le sens de ce terme. Si même on te la promet, attache-toi à elle, et comprends-la sous les figures telle que tu l’as aimée dans les passages plus clairs. Où donc est-il parlé d’une montagne propre, à nous inspirer de nous purifier de toute souillure de la chair et de l’esprit ? Quelle est la montagne promise ?
4. Sachons d’abord quelle est la terre gale Dieu nous promet et après laquelle soupire le prophète David quand il dit quelque part : « Vous êtes mon espérance et mon lot dans la terre des vivants[1]. » Il y a donc assurément une terre des vivants, différente de la nôtre, la terre des mourants. Si tous ici ne naissaient pas pour mourir, le prophète ne nommerait pas cette autre région la terre des vivants ; il la compare à la nôtre où il ne voit que des mourants. Oui donc, il y a une terre des vivants. Si tout éternelle et toute céleste qu’elle est on l’appelle terre, c’est qu’elle est un domaine et non un lieu de culture. On la possède sans travail ; au lieu que celle-ci exige la fatigue et tourmente par la crainte le maître qui la fait valoir. Ne te dit-on pas en effet : Lève-toi et laboure, afin d’avoir de quoi vivre ? Bon gré, mal gré, tu te lèves et tu travailles en gémissant et en soupirant, parce que tu es sous le poids de cette sentence à laquelle Adam fut condamné : « Tu mangeras ton pain à là sueur de ton visage[2]. » Mais après les fatigues et les angoisses nous serons dans la terre des vivants. Là rien ne naît pour croître : tout y est toujours au même état. Là nulle succession d’hiver et d’été, de nuit et de jour. C’est pour y moissonner que l’on sème ici ; si toutefois l’on sème. Quel est en effet celui qui sème maintenant pour moissonner là-haut ? Celui qui donne aux pauvres. Donner aux pauvres, c’est jeter la semence dans les sillons. Sème ici pour récolter là ; la récolte ne consiste pas à abattre en été des moissons qui s’épuisent, mais à se rassasier et à jouir sans fin. Là en effet on se nourrit de justice, là on trouve le pain. Quel est ce pain ? Le pain qui est descendu jusqu’à nous ; Celui qui a dit : « Je suis le pain vivant descendu du ciel[3]. » Quel est-il encore : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés[4]. »
5. Nous connaissons quel est le pain de cette terre ; apprenons encore quelle en est la montagne. « Ils habiteront dit le Seigneur, sur ma montagne sainte. » N’avons-nous pas lu dans un autre passage sacré que le Christ aussi est cette montagne ? Ainsi celui qui est le pain est également la montagne ; pain parce qu’il nourrit l’Église, et montagne parce que l’Église est son corps. L’Église est sûrement, une montagne et qu’est-ce que l’Église ? Le corps du Christ. Joins le chef à ce corps ; voilà un homme ; car l’homme a nécessairement une tête et un corps. Maintenant quel est le Chef ? Celui qui est né de la vierge Marie, qui a pris un corps mortel exempt de tout péché, qui a été meurtri, flagellé, outragé et crucifié par les Juifs, qui enfin a été sacrifié pour nos péchés et qui est ressuscité pour notre justification. Il est à la fois le chef de l’Église et le pain de cette terre des vivants. Et son corps, qu’est-il ? C’est son épouse c’est l’Église. « Car ils seront deux dans une seule chair. Ce sacrement est grand : je dis dans le Christ et dans l’Église [5]. » Le Seigneur aussi a dit également, dans l’Évangile, de l’homme et de la femme : « Donc ils ne sont plus deux, mais une seule chair[6]. » Il a voulu par conséquent gîte l’Église et le Christ ne formassent qu’un seul homme. Au ciel est le chef ; ici sont les membres : Pour nourrir l’espérance de ces membres, il n’a pas voulu ressusciter seulement avec eux, mais avant eux. S’il a voulu mourir, c’était pour ressusciter le premier ; s’il a voulu monter au ciel avant eux, c’était pour exciter la confiance de ses membres, pour les porter à attendre en eux-mêmes l’accomplissement de ce qu’ils voyaient réalisé dans leur Chef. Eh ! quel besoin avait de mourir, le Christ, le Verbe de Dieu, Celui dont il est écrit ; « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu : tout a été fait par lui[7] ? » On le crucifie, on l’insulte, on le perce d’une lance, on l’ensevelit ; et tout a été fait par lui ! Comme il a daigné se faire le Chef de l’Église ; l’Église désespérerait de ressusciter si elle voyait que lui-même n’est pas ressuscité. Il est donc ressuscité et on l’a vu ressuscité. Des femmes l’ont vu d’abord et en ont porté la nouvelle aux hommes ; après avoir vu le Seigneur ressuscité, elles ont porté cette heureuse nouvelle aux futurs évangélistes, aux Apôtres ; c’est par des femmes que le Christ a été annoncé à ceux-ci. Aussi Évangile signifie-t-il heureuse nouvelle ; ceux qui savent le grec peuvent rendre ce témoignage. L’Évangile signifie donc la bonne nouvelle. Et quelle nouvelle comparable à celle de la résurrection de notre Sauveur ? Les Apôtres eurent-

  1. Ps. 141, 6
  2. Gen. 3, 19
  3. Jean 6, 51
  4. Mt. 5, 6
  5. Eph. 5, 31-32
  6. Mt. 19, 6
  7. Jn. 1, 1. 8