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SERMON XLV. RÉCOMPENSE ET DEVOIRS.[1].

ANALYSE. – Dans l’impossibilité d’expliquer tout ce qui a été lu à l’office, Saint Augustin choisit pour les réunir les dernières paroles de la Prophétie et les premières paroles de l’Épître qui les a suivies immédiatement. Il est dit dans les premières que ceux qui se seront consacrés au Seigneur posséderont sa terre et habiteront sa sainte montagne, et dans les secondes qu’avec ces promesses on doit se purifier de toute souillure soit corporelle soit spirituelle et accomplir sa sanctification dans la crainte de Dieu. Dans la réunion de ces deux textes se trouve donc indiquée la récompense promise aux serviteurs de Dieu et les moyens à employer pour l’obtenir. – I. Quelle est cette récompense ? Faut-il prendre à la lettre la terre et la montagne dont il est ici question ? Mais ce serait un encouragement à l’avarice et à la cupidité. Ce langage prophétique est donc figuré, et doit s’expliquer par des passages plus clairs. Conséquemment il faut entendre ici la terre des vivants d’où le Christ est venu jusqu’à nous et où il est lui-même le pain d’immortelle vie. C’est lui aussi que désigne la sainte montagne. Il est appelé ainsi à cause de l’Église dont il est le chef glorieux et ressuscité et qui remplit toute la terre. – II. Quels sont les devoirs à remplir pour être admis à habiter cette heureuse terre des vivants ? Les dernières paroles de la promesse rappellent qu’il est nécessaire d’appartenir, non au schisme de Donat qui ne s’étend point au-delà de l’Afrique, mais à l’Église universelle qui n’a d’autres limites que les limites du monde. D’après l’Apôtre il faut de plus garder l’innocence dans son corps et dans son âme ; enfin se sanctifier en vue de Dieu. – L’accomplissement de ces devoirs égalera les hommes aux anges.


1. On nous a fait et nous avons entendu plusieurs lectures ; il nous est impossible de nous rappeler et d’expliquer tout ce qu’elles contiennent. Mais si votre charité a été attentive à la première leçon du prophète Isaïe, j’aime à croire que vos cœurs peuvent conserver tout frais encore le souvenir de ces dernières paroles prononcées parle lecteur : « Ceux qui se donneront à moi posséderont la terre et habiteront ma sainte montagne[2]. » Après ces mots on nous a fait entendre la leçon de l’Apôtre et elle a commencé ainsi : « Ayant donc ces promesses, purifions-nous, mes bien-aimés, de toute souillure de la chair et de l’esprit, et achevons notre sanctification dans la crainte de Dieu[3]. » La divine miséricorde nous régit ; elle prépare la nourriture destinée à apaiser non-seulement la faim de nos corps, et c’est pour cela qu’elle fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les injustes ; mais aussi pour apaiser la faim dont souffrent nos cœurs dans ce désert où nous mourons si Dieu n’y fait tomber la manne. C’est donc le Seigneur qui dresse pour nous son banquet ; aussi sans aucun dessein préconçu de la part des hommes, il est arrivé, comme Dieu l’a voulu, qu’après la lecture d’Isaïe où il était l’ait des promesses, on a récité ces paroles de l’Apôtre : « Ayant donc ces promesses, purifions-nous, mes bien-aimés, de toute souillure de la chair et de l’esprit, et achevons notre sanctification dans la crainte de Dieu. » Ne dirait-on pas que le Prophète et l’Apôtre ne formaient qu’une seule leçon ? Qu’enseigne celui-ci ? : « Ayant donc ces promesses, mes bien-aimés. » On n’a pas dit alors quelles promesses. Elles sont exprimées, mais le lecteur n’a point commencé par les faire connaître ; et l’auditeur cherchait en quelque sorte à savoir quelles sont ces promesses dont l’Apôtre dit : « Ayant donc ces promesses, mes bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit. » Nous purifier ainsi de toute souillure de la chair et de l’esprit, c’est pour nous une grave affaire, un rude travail et personne ne s’en charge s’il n’y est excité par la promesse de la récompense. Personne n’entreprenant donc, sans y être invité par l’appât de la récompense, de se purifier et la chair et l’esprit, je ne sais comment il s’est fait que le Lecteur ait commencé par l’obligation de ce travail et non par la promesse de la récompense. Dieu toutefois n’a pas voulu frustrer l’auditeur attentif. Tu hésitais peut-être de te livrer au travail qu’exige la purification de la chair et de l’esprit, sans avoir entendu parler de récompense, arme-toi donc au début de la lecture de l’Apôtre ; et si tu veux des promesses, regarde les derniers mots de la lecture du Prophète. Dans ces derniers mots est la promesse, comme dans les premiers de l’Apôtre invitation au travail.
2. Animons-nous donc, et purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, puisque nous avons ces promesses. Quelles sont-elles ? « Ceux qui se donneront à moi, dit le Seigneur par Isaïe, posséderont la terre et habiteront ma sainte montagne. Ayant donc ces promesses, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit. » Ainsi, dira quelqu’un, si je dois me purifier de toute souillure de la chair et de l’esprit, c’est pour posséder une terre et habiter

  1. Is. 57, 13
  2. Ibid
  3. 2 Cor. 7, 1