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SERMON XXXVII. LA FEMME FORTE ou L’ÉGLISE CATHOLIQUE.[1]

ANALYSE. – Comme l’indique le titre qu’on vient de lire, ce discours n’est autre chose que l’application à l’Église des traits sous lesquels Salomon a représenté la femme forte. Saint Augustin a suivi exactement l’ordre du texte sacré et pour analyser son œuvre il faudrait reprendre successivement verset par verset. Il est facile néanmoins d’entrevoir trois grandes idées principales : 1° la femme forte ou plutôt l’Église considérée en elle-même. Elle est visible, plus digne de foi qu’aucun sage, partout répandue, sainte ou embrasée du pur amour de Dieu. – 2 ° L’Église considérée dans l’accomplissement de ses devoirs. – Son activité continue elle est infatigable, sa charité envers les pauvres, elle se montre digne de la confiance de son époux, sa conduite envers les étrangers, envers ses propres enfants. – 3° L’Église considérée dans là récompense qui l’attend. D’un côté son Époux proclamera combien elle l’emporte sur toutes les sociétés rivales, elle-même d’autre part ne cessera de louer Dieu avec transport et de trouver en lui le plus heureux repos.


1. Celui qui a honoré ce jour par le culte de ses Saints accordera à la faiblesse de notre voix de répondre à vos désirs. Si je vous parle ainsi, c’est pour vous prier de vouloir bien m’aider par votre silence : envers vous en effet le cœur est prompt mais la chair est faible. Le cœur même a besoin de travailler pour trouver le moyen de vous porter à l’oreille et à l’esprit les joies qu’il puise dans la divine Écriture : préparez donc en vous une place à la sainte parole. Les livres saints ne disent-ils pas que la tourterelle se cherche un nid pour y déposer ses petits[2] ? L’Écriture que vous nous voyez entre les mains et qu’on vient de lire, nous invite à étudier et à admirer une femme que l’on vous a montrée grande, épouse d’un grand homme, d’un homme qui l’a trouvée quand elle était perdue, qui l’a – parée après l’avoir retrouvée. En suivant le texte que vous nue voyez à la main, j’emploierai à parler de cette femme le peu de – temps dont je puis disposer, je dirai d’elle ce que m’inspirera le Seigneur. C’est aujourd’hui la fête des martyrs ; aussi faut-il louer surtout la mère des martyrs. Vous avez compris, par mon avant-propos, quelle est cette femme ; appliquez-vous maintenant à la reconnaître pendant que je lirai. Autant que j’en puis juger à votre air, chacun de vous en m’entendant dit maintenant en lui-même Cette femme doit être l’Église ; mais prouve la vérité de cette pensée. – Eh ! quelle autre pouvait être la mère des martyrs ? C’est bien elle ; vous avez compris ; l’Église est la femme dont nous voulons dire quelques mots. Il ne nous siérait pas de parler de tout autre femme ; et toutefois Pendant la lecture des actes des martyrs, nous avons entendu les noms de femmes dont nous pouvons parler sans blesser la décence ; mais en louant leur mère nous ne les oublions pas.
2. Considérez de qui vous êtes membres, examinez de qui vous êtes fils : « Qui trouvera la femme forte ? » La force de cette femme parait à propos le jour de la fête des martyrs : si effectivement elle n’était forte, ses membres auraient succombé dans les tourments. « Qui trouvera « la femme forte ? » Elle est difficile à trouver, ou plutôt il est difficile de ne la trouver pas. N’est-elle point cette cité bâtie sur la montagne et que l’on ne peut cacher [3] ? Pourquoi donc est-il dit : « Qui la trouvera ? » Ne devait-on pas dire au contraire : Qui ne la trouvera pas ? – Ah ! tu vois maintenant qu’elle est sur la montagne ; mais comme elle était perdue, il a fallu la trouver pour l’établir sur ce sommet. Depuis qu’elle brille, qui ne la voit ? Quand elle était cachée, qui pouvait la découvrir ? Cette cité est aussi, en effet, la brebis égarée que le bon pasteur a cherchée, retrouvée et qu’il a rapportée avec joie sur ses épaules[4]. Ce pasteur est donc comme la montagne, et la brebis sur ses épaules, comme la cité assise sur sa cime. Tu peux la voir aisément sur cette hauteur ; comment l’aurais-tu découverte quand elle était voilée sous les buissons et les épines, c’est-à-dire sous ses péchés ? Il était beau d’avoir l’idée de l’y chercher ; il est merveilleux qu’on l’y ait trouvée.

  1. Prov. 31, 10-31
  2. Ps. 83, 4
  3. Mt. 5, 14
  4. Lc. 14, 4-6