Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/146

Cette page n’a pas encore été corrigée

Rien donc d’étonnant si ce nouveau commandement chante le cantique nouveau, puisque les dix préceptes de la loi sont le psaltérion à dix cordes, nous l’avons dit, et que la charité est la plénitude de la loi. En disant : « Tu ne commettras point d’adultère, tu ne feras point d’homicide », et le reste, saint Paul a voulu rappeler simplement quelques-unes des cordes de ce psaltérion, afin de donner par là une idée des autres. Et de même que la charité comprend deux préceptes auxquels le Seigneur rapporte toute la loi et les prophètes [1], ce qui montre bien que l’amour est la plénitude de la loi ; ainsi les dix préceptes sont eux-mêmes divisés en deux tables. Trois ont été écrits sur une table et sept sur l’autre. Les trois premiers se rapportent à l’amour de Dieu, et les sept autres à l’amour du prochain.
3. Voici le premier des trois : « Écoute, Israël ; le Seigneur ton Dieu est le Seigneur unique[2]. « Tu ne te feras ni idole ni image de ce qui est en haut dans le ciel ni en bas sur la terre ; » tout ce qui suit est également destiné à rattacher au culte d’un seul Dieu en faisant renoncer au culte impur des idoles. Voici le second commandement : « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu[3]. » Le troisième concerne l’observation du sabbat. Symboles de la Trinité sans doute, ces trois préceptes se rapportent à l’amour de Dieu. L’unité divine a sa source dans le Père : aussi le premier précepte parle surtout de l’unité de Dieu. Le second nous avertit de ne point regarder le Fils de Dieu comme une créature, ce qui arriverait si nous le considérions comme n’étant point égal à son Père. « Car toute créature, comme dit l’Apôtre, est assujettie à la vanité[4] ; » et il nous est défendu de prendre en vain le nom du Seigneur notre Dieu. Le Don même de Dieu, c’est-à-dire le Saint-Esprit, est la promesse du repos éternel figuré parle sabbat. Aussi nous observons spirituellement le sabbat, en ne faisant point d’œuvres serviles. Ces œuvres sont interdites aux Juifs eux-mêmes, nonobstant leurs interprétations charnelles. Et ce qui prouve que l’on doit prendre les œuvres serviles dans un sens spirituel, c’est cette sentence du Seigneur : « Quiconque fait le péché est l’esclave du péché[5]. » Or on entend par péché non seulement l’action honteuse ou injuste qu’aperçoivent les hommes, mais encore l’intention d’une action bonne en elle-même, quand on agit en vue d’une récompense temporelle et non en vue de l’éternel repos. Quoiqu’on fasse en effet, si l’on agit dans l’intention d’obtenir des avantages terrestres, on agit servilement et l’on n’observe pas le sabbat. Car il faut aimer Dieu pour lui-même, et l’âme ne peut trouver de repos que dans ce qu’elle aime. Donc elle ne peut trouver l’éternel repos que dans l’amour de Dieu qui seul est éternel : c’est la sanctification parfaite et le sabbat spirituel par excellence. Et comme le Saint-Esprit est l’auteur de notre sanctification, qui ne serait excité à contempler ici un grand mystère en voyant que des trois préceptes relatifs à Dieu le troisième regarde le sabbat, et que de toutes les œuvres attribuées à Dieu par le livre sacré de la Genèse, il n’a sanctifié que le septième jour, ce qui indiquait déjà le sabbat [6] ?
4. Le premier des sept préceptes, qui se rapportent à l’amour du prochain, est, celui-ci « Honore ton père et ta mère ; » le second : « Tu ne tueras point ; » le troisième : « Tu ne commettras point d’adultère ; » le quatrième : « Tu ne déroberas point ; » le cinquième : « Tu ne feras point de faux témoignage ; » le sixième : « Tu ne convoiteras point l’épouse de ton prochain ; » le septième : « Tu ne convoiteras point le bien d’autrui[7]. » L’Apôtre rend évidemment témoignage à cette division de toute la loi, lorsque il dit : « Honore ton père enta mère ; c’est le premier commandement. » En effet, pour peu qu’on examine on s’aperçoit que ce commandement n’est pas le premier de tout le Décalogue ; car le premier des dix préceptes est celui qui ordonne de n’adorer que Dieu. Aussi le commandement d’honorer les parents est écrit sur la seconde table, et saint Paul l’appelle le premier, parce qu’il est le premier des préceptes qui concernent l’amour du prochain.
5. Ainsi donc chantons le cantique nouveau, chantons sur le psaltérion à dix cordes. Ce cantique nouveau est la grâce du nouveau Testament qui nous distingue du vieil homme de l’homme terrestre, qui le premier a été fait de terre. Car il a été formé d’argile et après avoir perdu la béatitude il a été jeté dans la misère en juste punition de sa désobéissance au commandement divin. Mais que dit le prophète en louant la grâce divine qui nous réconcilie avec Dieu par la rémission des péchés, et qui nous renouvelle en détruisant

  1. Mt. 22, 37-40
  2. Deut. 6, 4
  3. Exod. 20, 2-11
  4. Rom. 8, 20
  5. Jn. 8, 34
  6. Gen. 2, 3
  7. Exod. 20, 12-16