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SERMON XXIX. LES DEUX CONFESSIONS[1].

ANALYSE. – Après avoir rappelé que Dieu est bon et la source de tout ce qu’il y a de bon dans l’univers, saint Augustin explique en quoi consiste la confession que d’après le prophète nous devons à sa bonté. Il y a deux confessions : la confession de louanges et la confession des péchés. Or nous devons à Dieu l’une et l’autre, précisément parce qu’il est bon. Nous lui devons la confession de louanges ; car qui mérite d’être loué sinon Celui qui est la bonté même ? Nous lui devons la confession de nos péchés ; car c’est le moyen de devenir bons et notre premier devoir est d’y travailler. C’est aussi le moyen d’échapper au juste châtiment réservé à nos crimes.


1. L’Esprit de Dieu nous a avertis et nous a commandé de confesser le Seigneur : la raison qu’il donne pour nous y déterminer, c’est que le Seigneur est bon. La sentence est courte, mais qu’elle est profonde ! « Confessez le Seigneur », dit-il ; et comme si nous demandions : pourquoi ? « c’est qu’il est bon » répond-il. Cherches-tu plus, ou autre chose que ce qui est bon ? Le bien attire si puissamment, que les méchants le recherchent eux-mêmes. Mais il est des biens qui sont produits par un autre bien ; et si nous demandons quel est ce bien qui produit tous les autres, rappelons-nous cette parole : « Dieu fit tout et tout était très-bien[2]. » Rien donc ne serait bien s’il n’était fait pas le Bien même. Et quel est ce bien ? Un bien que nul n’a créé ; en sorte qu’il n’y aurait aucun bien s’il n’avait pour cause le bien qui n’a pas été produit. Le ciel est bon, mais il a été fait tel ; les anges sont bons, mais ils doivent leur bonté à quelqu’un ; les astres sont bons, le soleil et la lune, le retour du jour et de la nuit, la succession des temps, les révolutions des siècles, le cours des ans, la reproduction des plantes et des arbres ; les différentes natures d’animaux, l’homme surtout dont la louange doit s’élever au milieu de toutes ces autres créatures, tout est bon, mais produit tel, produit par Dieu et non par soi. Celui qui a fait tout, est bon par-dessus tout, car il ne doit sa bonté qu’à lui-même ; et pourtant elle n’est pas uniquement pour lui, il en use aussi pour nous. Ainsi donc « confessez le Seigneur parce qu’il est bon. »
2. Or on confesse pour louer ou pour expier. Il est des hommes peu instruits qui en voyant dans les Écritures le mot de confession se frappent aussitôt la poitrine, comme si la confession ne se disait que des péchés, et comme s’ils étaient avertis de confesser les leurs. Mais pour apprendre à votre charité que la confession ne se dit pas des péchés seulement, écoutons Celui dont nous ne pouvons révoquer en doute l’innocence parfaite ; il s’écrie et il dit : « Je vous confesse, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre. ». Qui parle ainsi ? « Celui qui n’a point commis de péché et dans la bouche de qui ne s’est point trouvée la tromperie [3] ; » Celui qui seul a pu dire en toute vérité : « Voici venir le prince du monde, et il ne trouvera rien en moi[4]. » Il confesse cependant, mais pour louer et non parce qu’il a péché. Écoute en effet ce qu’il dit dans sa confession, écoute comment il loue, car ses louanges sont notre salut. Comment ce Fils sans péché confesse-t-il son Père ? « Je vous confesse, dit-il, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents et que vous les avez découvertes aux petits[5]. » Il loue donc son Père d’avoir caché ces choses aux sages et aux prudents, c’est-à-dire aux superbes et aux arrogants, et de les avoir découvertes aux petits, c’est-à-dire aux faibles et aux humbles.
3. Mais il est vrai aussi qu’il y a la confession des péchés, confession salutaire. C’est à quoi se rapporte ce que nous avons ouï dans le premier psaume qu’on a lu : « Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche, et une porte de circonspection à mes lèvres ; n’inclinez pas mon cœur à dire le mal, à excuser ses iniquités[6]. » Le prophète prie Dieu de donner une garde à sa bouche, et il fait connaître quelles doivent être les fonctions de cette garde. Il est en effet des hommes où tout se trouve, qui courent s’excuser après avoir commencé à s’accuser ; c’est-à-dire qui cherchent des motifs et imaginent des prétextes pour montrer qu’ils ne sont pas coupables. L’un dit : le diable en est cause ; l’autre : c’est la fortune ; un autre encore : j’ai été poussé parle destin : personne ne prend la faute sur soi. Ignores-tu qu’en voulant t’excuser, tu assures le triomphe de celui qui t’accule ?

  1. Ps. 117, 1
  2. Gen. 1, 31
  3. 1 Pi. 2, 22
  4. Jn. 95, 30
  5. Mt. 11, 25
  6. Ps. 140 3, 4