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lui-même pour voir ce qu’il ne voit pas, mais en croyant ce qu’il aspire à voir ; « et vous l’avez fortifié [1]. » Il a fortifié son peuple, et nous qui sommes ses enfants, « nous le verrons tel qu’il est. »
17. Qu’est-ce que le Seigneur a dit de ses enfants ? « Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu[2]. » Si donc il nous reste quelques obscurités sur des questions aussi profondes et aussi ardues, examinons pacifiquement. « Que l’on ne s’enfle point d’orgueil l’un contre l’autre pour autrui[3]. Car si vous avez un zèle amer et que des querelles existent entre vous ; ce n’est point là la sagesse qui vient d’en haut, c’est une sagesse terrestre, animale, diabolique[4]. » Nous sommes donc les enfants de Dieu, nous le reconnaissons ; mais nous ne serons reconnus à ce titre qu’à la condition d’être pacifiques. Et comment pourrons-nous voir Dieu, si les querelles éteignent en nous l’œil qui doit le contempler ?
18. Écoute plutôt ce qu’il dit, et ce qui fait que je m’exprime avec crainte et tremblement. « Recherchez la paix avec tous et la sainteté, sans laquelle personne ne pourra voir Dieu[5]. »
Quelle frayeur pour ceux qui l’aiment, mais elle n’affecte qu’eux. A-t-il dit en effet : Recherchez la paix avec tous et la sainteté, sans laquelle on sera jeté au feu, tourmenté parles flammes éternelles, livré à d’infatigables bourreaux ? Tout cela est vrai, mais il ne l’es pas dit ici.
C’est qu’il a voulu te porter à aimer le bien, non à redouter le mal ; et dans l’objet même de tes désirs il a trouvé moyen de t’effrayer. Tu verras Dieu : est-ce un sujet de le mépriser, de disputer, d’exciter le trouble ? « Recherchez la paix avec tous, et la sainteté, sans laquelle personne ne pourra voir Dieu. » Si deux hommes également désireux de voir le lever du soleil, discutaient entre eux sur le point de l’horizon où il doit se montrer et sur les moyens de le voir ; si cette discussion dégénérait en disputes, si dans l’ardeur de la querelle ils se blessaient et s’ils allaient même jusqu’à se crever les yeux pour ne pas voir ce lever du soleil, qui comprendrait leur folie ?
Afin donc de pouvoir contempler Dieu, purifions nos cœurs parla foi, guérissons-les par la charité, affermissons-les dans la paix, car l’affection que nous avons les uns pour les autres est déjà un don de Celui que nous ambitionnons de contempler.


SERMON XXIV. GRANDEUR ET SÉVÉRITÉ DE DIEU[6].

ANALYSE. – Certains détails de ce discours semblent indiquer qu’il a été prononcé à Carthage. Quoi qu’il en soit, le but que se propose le saint docteur est de déterminer le peuple à faire disparaître les derniers restes de l’idolâtrie : c’est à ce but qu’il rapporte un verset que l’on a chanté avec enthousiasme dans l’Église, et qu’il prend pour texte. – I. Seigneur qui est semblable à trous ? N’est-ce pas avec raison que nous faisons entendre ce cri ? En effet

1° qu’est-ce que l’univers en face de celui qui l’a créé ? 2° Si les païens n’étaient aveugles, ne verraient-ils point avec quel éclat s’accomplissent les divines promesses qui révèlent la grandeur de Dieu et la grandeur de Jésus-Christ ? 3° Quoique l’homme soit fait à l’image de Dieu, nous savons que devant Dieu il est fort petit. Et vous donneriez le nom même de Dieu à une statue que vous estimez si inférieure à l’homme ? — II. Ne restez ni dans votre silence ni dans votre douceur. Comment cette provocation à la sévérité peut-elle s’accorder avec cette invitation du Sauveur : Venez à moi apprenez de moi que je suis doux ? Examinons 1°, quel est celui qui nous adresse cette invitation ? C’est Celui qui seul connaît parfaitement Dieu. 2° A qui l’adresse-t-il ? À vous tous qui lui avez répondu par vos acclamations et à nous qu’il charge de vous conduire et de vous diriger. 3° A quoi nous excite-t-il ? A faire disparaître ici comme ils ont disparu à Rome les restes de l’idolâtrie. Cette sévérité n’est-elle point douceur, puisqu’elle a pour but de délivrer l’homme de la tyrannie du vice et de l’erreur ? Soyez donc heureux de ce que les autorités ont fait contre l’idolâtrie.
1. Grâces au Seigneur notre Dieu ; qu’on multiplie les louanges en son honneur ; à lui sont dus les hymnes de Sion. Rendons-lui grâces avec autant d’ardeur dans l’âme que d’enthousiasme dans la voix, nous avons chanté : « Seigneur qui est semblable à vous ? » C’est que nous chantons son amour vivant dans nos cœurs, c’est que vous le craignez comme votre Seigneur, c’est que vous le chérissez comme votre Père. Grâces lui soient rendues : on le désire avant de le voir ; on sent sa présence et on espère le

  1. Ps. 67, 10
  2. Mt. 5, 9
  3. 1 Cor. 4, 6
  4. Jac. 3, 14, 15
  5. Heb. 12, 14
  6. Ps. 82, 2