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les faire naître ; mais l’erreur charnelle où ils ont pris naissance et qu’ils emportent avec eux est étrangère à l’antique vérité ; aussi sont-ils nés, en quelque sorte, d’une mère toute jeune et d’un vieux père, en dehors de toute promesse. N’est-ce pas pour représenter l’antiquité de la vérité que le Seigneur se montre dans l’Évangile avec des cheveux blancs[1] ? Ainsi c’est à l’occasion de quelque antique vérité que ces sectaires se sont formés et sont nés en quelque sorte dans la nouveauté de leurs erreurs éphémères. En résumé, l’Apôtre enseigne que, comme Isaac, nous sommes les enfants de la promesse, et que la persécution d’Ismaël contre Isaac ressemble aux persécutions soulevées contre les chrétiens véritables par les Juifs charnels. Ces persécutions toutefois n’aboutissent pas, attendu que d’après l’Ecriture la servante doit être chassée avec son fils, sans pouvoir hériter avec l’enfant de la femme libre. « Pour nous, poursuit saint Paul, nous ne sommes pas, mes frères, les enfants de la servante, mais les enfants de la femme libre. » Or, c’est cette liberté que maintenant surtout il faut opposer à la servitude des œuvres de la Loi, dont le joug pesait sur les faux docteurs qui poussaient les Galates à se faire circoncire.


41. S’éloigner du joug des observances judaïques[2]. – En ajoutant : « Restez donc debout » l’Apôtre indique que les Galates ne sont pas tombés encore ; autrement il aurait dû dire relevez-vous. « Et ne vous attachez point de nouveau au joug de la servitude » dit-il ensuite. Ce joug auquel il leur défend de s’attache ne saurait être que celui de la circoncision et des autres observances semblables du peuple Juif ; puisque saint Paul ajoute : « Voici que je vous dis, moi, Paul, que si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. » Mais que faut-il entendre par ce joug de servitude, puisqu’il s’adresse à des hommes qui n’ont jamais été juifs, et qu’il travaille à empêcher de se faire circoncire ? Ici donc reparaît et trouve une preuve nouvelle le sentiment que nous avons manifesté plus haut. En effet je ne découvre qu’un sens dans ces paroles de l’Apôtre : c’est que pour les Gentils il n’y aurait aucun avantage à avoir été délivrés, par leur foi en Jésus-Christ, de l’esclavage de leurs superstitions, si de nouveau ils se faisaient esclaves en se courbant sous le joug de ces observances charnelles que la Loi même de Dieu a prescrites, il est vrai, mais pour soumettre à la servitude un peuple charnel encore. Le Christ ne leur servira de rien, s’ils se font circoncire ; s’ils se font circoncire comme le voulaient ceux qui les y poussaient', dans le but de regarder cette circoncision de la chair comme l’espoir de leur salut. Le Christ en effet n’a-t-il servi de rien à Timothée, par la raison que Paul le fit circoncire lorsque jeune encore il devint chrétien ? L’Apôtre agit ainsi pour éviter le scandale des siens[3] ; ce n’était point par esprit de dissimulation, mais en vertu de cette indifférence qui lui a fait dire : « La circoncision n’est rien, l’incirconcision n’est rien non plus[4]. » Cette circoncision ne saurait nuire quand on n’y voit pas le salut. Quand donc il ajoute : « Je déclare de plus à tout homme qui se fait circoncire » il prend la circoncision dans le même sens, il suppose qu’on la recherche comme un moyen de salut. « Qu’il est tenu d’accomplir toute la loi. » Il veut ici qu’au moins la peur d’être astreints à toutes ces observances, à ces observances sans nombre qui sont contenues dans la Loi et que ni les Juifs de cette époque ni leurs pères n’ont pu accomplir, comme Pierre le rapporte dans les Actes des Apôtres[5], les détourne d’accepter le joug sous lequel on voulait les courber.
42. Les observances légales opposées à l’esprit chrétien[6]. – « Vous n’avez plus de part au Christ, vous qui cherchez votre justification dans la Loi. » Voilà la proscription dont il a été parlé précédemment ; car le Christ est comme proscrit de son héritage lorsqu’il quitte ces chrétiens et qu’en eux rentrent les œuvres de la loi comme sur une terre délaissée. Le malheur sera pour eux et non pour le Christ ; c’est pourquoi l’Apôtre ajoute : « Vous êtes déchus de la grâce. » De fait, puisque la grâce du Christ tend à décharger du fardeau des œuvres légales ceux-mêmes qui étaient obligés de le porter, n’est-ce pas méconnaître cette grâce immense que de vouloir s’astreindre à accomplir toute la Loi ? Le péché n’était pas consommé encore ; mais comme la volonté y inclinait déjà, l’Apôtre en parle souvent comme d’un fait accompli.« Pour nous, c’est par l’Esprit, en vertu de la foi, que nous espérons la justice. » Par conséquent les espérances spirituelles sont l’objet de la foi au Christ, et non les promesses charnelles comme les promesses sur lesquelles s’appuyaient

  1. Apoc. 1, 14
  2. Gal. 5, 1-3
  3. Act. 16, 3
  4. 1 Cor. 7,19
  5. Act. 15, 10
  6. Gal. 5, 4-12