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413</ref> dans ces observations superstitieuses de certains jours, que l’Apôtre s’écrie ici : « Je crains pour vous d’avoir en vain travaillé pour vous. » Quoique, on lise ce passage avec tant de solennité et d’autorité dans les Églises partout l’univers, nos réunions n’en sont pas moins remplies d’hommes qui demandent aux astrologues quels sont les moments qui conviennent aux entreprises qu’ils ont en vue. Que dis-je ? sans savoir, comme on s’exprime, où ils mettent le pied, n’osent-ils pas nous avertir souvent nous-mêmes de ne commencer ni à bâtir ni à rien faire de semblable durant les jours qu’ils nomment les jours égyptiaques ? S’il faut entendre ce même passage des observantes superstitieuses des Juifs, quelle espérance peuvent nourrir ces hommes qui se disent chrétiens et qui règlent sur des almanachs la direction de leur vie perdue ; quand ils remarquent qu’en observant, comme les Juifs, les temps marqués dans les livres saints que Dieu a donnés à son peuple encore charnel, ils entendraient l’Apôtre leur dire : « Je crains pour vous d’avoir en vain travaillé pour vous ? » Et pourtant vient-on à surprendre un chrétien, fût-il encore catéchumène, observant le sabbat à la manière des Juifs ?l’Église se scandalise. Et des chrétiens sans nombre, qui comptent parmi les fidèles, nous disent en face, et avec une pleine assurance : Je ne pars point un lendemain de calendes. Et nous, c’est avec peine si nous parvenons à les dissuader avec douceur, souriant même pour qu’ils ne s’irritent pas et craignant qu’ils ne voient ici une nouveauté. O malheureux péchés des hommes ! hélas ! Nous ne frémissons que de ceux qui se commettent rarement ; quant à ces péchés journaliers pour l’expiation desquels, le Fils de Dieu a aussi versé son sang, si énormes qu’ils soient et quoiqu’ils nous ferment absolument l’entrée du royaume de Dieu, nous sommes contraints de les tolérer, tant ils se répètent souvent ; d’en commettre même quelques-uns en les tolérant, et plaise à votre miséricorde, Seigneur, que nous ne commettions pas tous ceux que nous ne saurions empêcher ! 36 Connaître Dieu et être connu de lui[1]. – Voyons maintenant ce qui suit. Mais nous avons laissé de côté ces mots : « Maintenant que vous connaissez Dieu ou plutôt que vous êtes connus de lui. » Il semble que l’Apôtre veut ici proportionner son langage à la faiblesse humaine et que ce n’est pas seulement dans les livres du Testament ancien que la parole divine s’est mise à la portée de nos pensées terrestres. Après avoir dit : « Que vous connaissez Dieu » il s’est repris, et nous ne devons pas nous en étonner ; car il est certain que tout le temps que nous nous conduisons par la foi et non par la claire vue[2], nous ne connaissons pas encore Dieu et que notre foi nous aide à nous purifier pour arriver à pouvoir le connaître en temps convenable. Cependant si l’on entend à la lettre ce que dit l’Apôtre même en se reprenant, on s’imaginera que Dieu parvient à connaître ce qu’il ignorait auparavant. Ces paroles donc : « Ou plutôt que vous êtes connus de Dieu » doivent être prises dans le sens métaphorique, et la connaissance que Dieu a de nous doit s’interpréter de l’amour qu’il nous a témoigné en envoyant son Fils unique s’immoler pour les impies : c’est ainsi que des personnes qu’on aime on dit qu’on les a sous les yeux. « Maintenant que vous connaissez Dieu ou plutôt que vous êtes connus de Dieu » revient donc à cette pensée de saint Jean : « Ce n’est pas que nous ayons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés [3]. »



37. Confiance que mérite la parole de saint Paul[4]. – « Soyez comme moi » continue-t-il ; car tout Juif que je suis de naissance, le discernement spirituel m’a amené à mépriser ces observances charnelles. « Mais aussi je suis comme vous ; » c’est-à-dire homme. Puis il saisit l’occasion de leur rappeler avec réserve sa charité envers eux, pour les empêcher de le considérer comme un ennemi. « Mes frères, dit-il, je vous en prie, vous ne m’avez offensé en rien ; » ne vous figurez donc pas que je cherche à vous nuire. « Vous savez que je vous ai autrefois annoncé l’Évangile dans la faiblesse de la chair ; » c’est-à-dire au milieu de mes persécutions. « Or cette épreuve à laquelle vous avez été mis en ma personne, vous ne l’avez ni méprisée ni repoussée. » En voyant les persécutions qu’endurait l’Apôtre, ils étaient tentés de se demander si la crainte les porterait à l’abandonner ou la charité à s’unir à lui. « Vous n’avez point méprisé » cette tentation, car vous en avez aperçu l’utilité ; « vous ne l’avez pas non plus repoussée » en refusant de partager mes dangers. « Mais vous m’avez reçu comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. » S’élevant ensuite jusqu’au sentiment

  1. Gal. 4, 9
  2. 2 Cor. 5, 7
  3. 1 Jn. 4, 10
  4. Gal. 4, 12-18