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espèce de question qu’il se fait dans l’intention de montrer que ce n’est pas en vain qu’il court ou qu’il a couru, puisque d’après le témoignage des autres Apôtres il ne s’écarte en rien de la vérité de l’Évangile.
11. Tite demeure sans être circoncis. —« De plus, poursuit-il, Tite qui m’accompagnait, ne fut pas contraint à se faire circoncire, tout gentil qu’il était. » Tite était gentil et il n’y avait dans sa famille ni habitude ni alliance qui dût le faire circoncire comme te fut Timothée ; cependant l’Apôtre lui aurait permis aisément de se soumettre à la circoncision ; car il n’enseignait pas que la circoncision même fût contraire au salut, mais il montrait qu’on s’en écartait en plaçant son espoir dans la circoncision. Il pouvait donc tolérer tranquillement cette observance comme superflue ; puisqu’il a dit ailleurs ; « La circoncision n’est rien, l’incirconcision n’est rien non plus ; mais l’observation des commandements de Dieu[1]. »« Or ce fut en considération de quelques faux frères qui s’étaient furtivement introduits » que Tite ne fut pas contraint de se faire circoncire ; en d’autres termes, ce qui empêcha qu’il ne consentit à le laisser circoncire, c’est que ces faux frères qui s’étaient introduits furtivement, « dit-il, pour examiner la liberté » des fidèles, l’observaient avec passion et désiraient vivement que Tite fût circoncis, afin de publier ensuite que d’après le témoignage et le consentement de Paul lui-même, la circoncision était nécessaire au salut, et par là « de réduire en servitude » les chrétiens, en les appelant à porter le fardeau des œuvres serviles de la Loi. Mais « il ne consentit pas même un instant à se soumettre à eux, afin de conserver parmi les Gentils la vérité de l’Évangile[2]. »
12. Accord constaté entre la doctrine de saint Paul et celle des autres Apôtres. – Les envieux de l’Apôtre saint Paul le signalaient et voulaient qu’on le suspectât comme ancien persécuteur de l’Église ; c’est pour faire allusion à cela qu’il dit ensuite : « Quant à ceux qui paraissent quelque chose, peu m’importe ce qu’ils étaient jadis. » C’est seulement aux yeux des hommes charnels qu’ils semblent être quelque chose, car en eux-mêmes ils ne sont rien. Fussent-ils de bons ministres du Seigneur, c’est le Christ qui est en eux quelque chose, et non pas eux par eux-mêmes ; car si c’était eux et par eux-mêmes, toujours ils auraient été ce qu’on les suppose. Si « peu importe à l’Apôtre ce qu’ils étaient jadis » car eux aussi ont été pécheurs, c’est que Dieu ne fait point acception de la personne d’un homme » puisque sans acception aucune il appelle tout le monde au salut, et n’impute a aucun ses péchés. Une preuve, c’est qu’en l’absence des premiers Apôtres qu’il avait choisis, le Seigneur fit de saint Paul un Apôtre parfait, afin qu’au lieu de rien ajouter à la perfection de son enseignement lorsqu’il vint le confronter avec le leur, ils reconnussent que le même Seigneur Jésus-Christ, qui sauve sans faire acception des personnes, avait accordé à Paul de distribuer aux Gentils ce qu’il avait accordé à Pierre de donner aux Juifs. Ainsi donc il fut constaté qu’ils ne différaient pas de lui, qu’ils ne pouvaient nier que son Évangile fût parfait comme lui le prétendait, ni vouloir y ajouter comme à un enseignement imparfait : et au lieu d’en blâmer les défauts ils en louèrent l’excellence. « Puis ils nous donnèrent la main en signe de communion ; » ils consentirent à faire société, ils obéirent à la volonté du Seigneur, en approuvant que Paul et Barnabé allassent « vers les Gentils, tandis qu’eux se réserveraient pour la circoncision » qui parait opposée à l’incirconcision, c’est-à-dire aux Gentils. Tel est en effet le sens qu’on peut donner à cette expression, au contraire, e contrario : il faudrait alors lire de la manière suivante : ceux qui semblent quelque chose ne m’ont rien appris ; au contraire ils sont convenus avec moi et avec Barnabé que nous nous occuperions des Gentils, qui sont contraires à la circoncision, et eux de la circoncision même : ainsi « nous ont-ils donné la main en signe de communion [3]. »
13. Les Apôtres veulent n’être rien. — Qu’on se garde bien de considérer comme un outrage jeté à ses prédécesseurs dans l’apostolat ces paroles de saint Paul : « Peu m’importe ce qu’étaient autrefois ceux qui maintenant paraissent quelque chose. » Au contraire, ces hommes spirituels voulaient qu’on arrêtât les âmes charnelles qui les regardaient comme quelque chose, au lieu de voir le Christ en eux ; et ils tressaillaient de bonheur quand on persuadait au monde que, comme Paul lui-même, eux qui le précédaient dans la carrière avaient été justifiés, de pécheurs qu’ils étaient ; car Dieu ne fait point acception de personne, et d’ailleurs ils cherchaient

  1. 1 Cor. 7, 19
  2. Gal. 2, 3-5
  3. Gal. 2, 6-9