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autre est le filet qui semble figurer la communion dans l’unité de la foi où de l’Église. Il y a cette différence entre les hérétiques et les mauvais catholiques, que les hérétiques s’attachent à l’erreur ; tandis que les catholiques, tout en croyant la vérité, ne conforment pas leur conduite à leur croyance.
2. On demande aussi ordinairement en quoi les schismatiques diffèrent des hérétiques : or, ce qui fait les schismatiques, ce n’est pas la différence de foi, mais la séparation delà communion de l’Église. Mais faut-il les envisager comme de l’ivraie ? Sur ce point, le doute est permis. Ils semblent avoir plutôt de la ressemblance avec les épis dégénérés, suivant ce mot de l’Écriture : « L’enfant pervers sera corrompu au souffle du vent[1] » ou bien encore avec les barbes brisées, ou sciées et séparées des épis. En effet plus elles sont élancées, c’est-à-dire, plus ils sont superbes, plus ils sont, fragiles et légers. Il ne s’ensuit pas cependant que tout hérétique et tout schismatique soit séparé du corps de l’Église. Mais si quelqu’un s’attache à des erreurs sur Dieu, ou sur quelque point de doctrine qui ait rapport à l’édifice de la foi, au point de ne pas hésiter comme un homme qui cherche, mais de croire fermement, et n’ayant point la science voulue, de s’en tenir à ses opinions erronées, il est par là même hérétique et séparé de l’âme de l’Église, bien qu’il semble appartenir à son corps. L’Église en contient plusieurs de semblables, parce qu’ils ne proclament point – leurs fausses maximes au point d’attirer l’attention de la multitude : ils le feraient, qu’ils seraient expulsés de l’Église. De même, tous ceux qui portent envie aux bons, au point de chercher l’occasion de les écarter ou de les humilier ; ou qui sont tellement prêts à défendre leurs crimes, s’ils viennent à être trahis ou découverts, qu’ils pensent à fomenter des divisions ou des troubles dans l’Église ; ceux-là sont déjà schismatiques et séparés de l’unité par le cœur, quand même ils vivraient extérieurement de la vie sacrée de l’Église, par ce qu’ils n’ont pas trouvé l’occasion favorable de se déclarer ou que leur déplorable conduite n’a pas été mise au jour.
3. Par mauvais catholiques, il faut donc entendre ceux qui croient les vérités de la foi, et qui sont décidés à s’instruire de ce qu’ils ignorent ; qui discutent, il est vrai, mais avec une foi soumise et sans vouloir porter, atteinte à la vérité elle-même, qui honorent enfin de tout leur pouvoir les bons ou ceux qu’ils jugent tels ; mais qui néanmoins mènent une vie coupable et criminelle, en opposition avec les principes de leur croyance. Que de tels hommes soient reconnus ou accusés pour leur inconduite ; qu’on les en reprenne conformément à la discipline de l’Église et dans l’intérêt de leur salut ; qu’ils soient même retranchés de la communion, ils n’auront garde cependant de croire qu’ils doivent se séparer de la communion catholique, et, quoiqu’on exige d’eux, ils chercheront le moyen de réparer leurs fautes : parfois même ils se changeront en froment, soit après la réprimande qu’ils ont reçue, soit après l’éloignement qu’on leur aura fait subir, soit encore sous l’impression de crainte que la parole de Dieu aura fait naître en eux, sans que personne les ait nommément accusés ou réprimandés. Mais aussi, parfois, sous les apparences de pénitents, ils mènent une vie semblable à celle d’autrefois, ou peu différente, ou même quelquefois pire ; sans se retirer néanmoins de l’unité catholique. Si la mort vient à les surprendre en cet état, ils auront été jusqu’à la fin comme la paille du froment. Ils font eux-mêmes profession de le croire ; car s’ils croyaient autrement et cela avec certitude, ils deviendraient hérétiques, parce qu’ils penseraient que Dieu fera grâce à tous les hommes même à ceux qui ont persévéré jusqu’à la fin de leur vie dans de grandes fautes, pourvu seulement qu’ils soient restés attachés à l’unité de l’Église, non pas d’un cœur sincère, car alors ils eussent bien vécu, mais plutôt dans la crainte des châtiments éternels. Ces catholiques imparfaits ne croient donc point de pareilles erreurs, ou ne les croient point délibérément, quoiqu’ils cherchent peut-être à se les persuader ; mais, en différant de se convertir, ils se laissent aller à l’illusion de l’espérance qu’ils vivront de longues années, et qu’un jour ils mettront un terme à la dépravation de leurs mœurs. Malheureux pécheurs, à qui l’Écriture donne ce démenti : « Ne diffère point de te convertir au Seigneur, et ne remets point de jour en jour ; car sa colère éclatera tout d’un coup, et il te perdra au jour de la vengeance[2]. » Ceux-là en effet sont de vrais convertis qui: commencent aussitôt à bien vivre : c’est là proprement revenir à Dieu ; mais ceux qui continuent de se livrer à leurs passions, lui tournent en quelque sorte le dos, quoique, en restant dans l’unité,

  1. Sag. 1, 4
  2. Sir. 5, 8-9