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femme infidèle est sanctifiée parle mari fidèle. » Déjà, je pense, il était arrivé que quelques femmes avaient été amenées à la foi par leurs époux fidèles, ou des époux par leurs femmes ; et sans citer de noms propres, il donne ces exemples pour appuyer ses exhortations et ses conseils. Puis il ajoute : « Autrement vos enfants seraient impurs, tandis que maintenant ils sont saints. » Car il y avait déjà des enfants chrétiens, qui avaient été baptisés ou par le fait d’un de leurs parents, ou du consentement des deux peut-être : ce qui n’eût pu avoir lieu si le mariage eût été rompu quand l’une des deux parties était fidèle et si l’infidélité de l’autre partie eût été tolérée jusqu’au moment de la conversion. Tel est le conseil de celui à qui, ce me semble, ces paroles ont été adressées : « Tout ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour[1]. »
46. Or si l’infidélité est une fornication, l’idolâtrie une infidélité, et l’avarice une idolâtrie, il est hors de doute que l’avarice soit une fornication. Mais si l’avarice est une fornication, qui pourra raisonnablement ne pas appeler fornication toute convoitise criminelle ? D’où il résulte qu’un homme peut sans péché renvoyer sa femme, et une femme son mari, à cause des convoitises coupables, non seulement de celles qui se traduisent par le commerce charnel avec des hommes ou des femmes étrangères, mais de toutes celles qui, par l’abus du corps, entraînent l’âme à violer la loi de Dieu et à se souiller elle-même pour sa honte et sa perte. La raison en est que le Seigneur excepte le cas de fornication, et que ce mot de fornication, comme nous l’avons vu plus haut, doit s’entendre dans un sens général et universel.
47. En disant : « Hors le cas d’adultère » le Seigneur n’indique point si c’est de la part de l’homme ou de la part de la femme. Car non seulement il est permis de renvoyer une femme coupable d’adultère, mais tout homme qui renvoie une femme qui l’oblige à commettre la fornication, la renvoie évidemment pour cause d’adultère. Par exemple, si une femme oblige son époux à sacrifier aux idoles, celui qui la renvoie, la renvoie pour cause d’adultère : adultère du côté de sa femme parce qu’elle le commet réellement ; adultère de son côté, parce qu’il est à craindre qu’il ne le commette lui-même. Mais rien de plus injuste que de renvoyer une femme pour cause de fornication, quand on en est convaincu soi-même. C’est le cas de dire alors : « En jugeant autrui, tu te condamneras toi-même, puisque tu fais ce que tu condamnes. » Ainsi donc quiconque veut renvoyer sa femme pour cause d’adultère, doit en être exempt lui-même. J’en dis autant de la femme.
48. Sur ces paroles : « Quiconque épouse une femme renvoyée par son mari, commet un adultère » on peut demander si l’homme commettant l’adultère, la femme qui est épousée le commet également. En effet on exige que la femme demeure sans se marier, ou qu’elle se réconcilie avec son mari ; mais, dit l’Apôtre, si elle s’en est séparée. Car entre renvoyer ou être renvoyé, la différence est grande. Si la femme renvoie elle-même son mari et en épouse un autre, on pourra croire qu’elle n’a quitté le premier que pour échanger contre le second : ce qui est évidemment une pensée d’adultère. Si au contraire elle est renvoyée par un mari avec lequel elle serait volontiers restée, celui qui l’épouse est certainement adultère, d’après la parole du Seigneur : mais l’est-elle elle-même ? voilà la question. Du reste, on pourrait encore bien moins imaginer comment, un homme et une femme ayant commerce ensemble, l’un serait adultère et l’autre non. Ajoutez à cela que celui qui épouse une femme renvoyée par son mari, est adultère ; bien que cette femme ne se soit point séparée elle-même, mais ait été renvoyée, c’est cependant elle qui le rend adultère ce que le Seigneur défend. D’où il suit que, soit qu’elle ait été renvoyée, soit qu’elle se soit séparée elle-même, elle doit demeurer sans se marier ou se réconcilier avec son mari.
49. On demande encore si un homme peut êtredisculpé.d'adultère quand il s’unit à une autre femme qui n’est point l’épouse d’un autre ni séparée de son mari, alors que la sienne lui en donne la permission, soit parce qu’elle est stérile, soit parce qu’elle ne veut point se soumettre au devoir conjugal ? On en trouve un exemple dans l’histoire de l’ancien Testament ; mais les préceptes actuels auxquels les autres ne faisaient que préparer le genre humain, sont plus élevés ; il faut considérer dans ceux-là la différence des temps, les desseins de la divine Providence

  1. Lc. 10, 35