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est parce qu’il entend qu’un raisonne pour l’un comme pour l’autre, c’est-à-dire que si l’homme renvoie sa femme, dans le cas permis, il n’en prenne pas d’autre ou se réconcilie avec elle ? Au, fait il serait bien à un homme de se réconcilier avec la femme que personne n’osa lapider et à qui le Seigneur dit : « Va et veille à ne plus pécher désormais[1]. » En effet, celui qui dit : Il n’est pas permis de renvoyer sa femme, hormis le cas de fornication, ordonne de la conserver en dehors de ce cas ; et même dans ce cas, n’ordonne pas, mais permet seulement de la renvoyer : de même qu’on dit : il n’est pas permis à une femme, du vivant de son mari, d’en épouser un autre ; si elle se marie avant la mort de son mari, elle est coupable ; si elle ne se marie point après la, mort de son époux, elle n’est pas coupable, car elle a permission, et non ordre, de le faire. Donc s’il y a égalité de droit entre l’homme et la femme dans le mariage, au point, que le même Apôtre n’ait pas seulement dit, en parlant de la femme : « La femme n’a pas puissance sur son, corps, mais le mari » et qu’il ait dit aussi en parlant de l’homme : « De même le mari n’a pas puissance sur son corps, c’est la femme » si, dis-je, la règle est la même, pour l’un que pour l’autre : il ne faut pas entendre qu’il soit permis à la femme, plutôt qu’à l’homme, de renvoyer son époux, hormis le cas de fornication.
44. Il faut donc examiner ce qu’on doit, entendre par fornication et continuer à consulter l’Apôtre. Voici ce qu’il dit ensuite : « Mais aux autres je dis, moi, et non le Seigneur. » Voyons d’abord ce que veut dire aux autres ; car plus haut il parlait au nom du Seigneur aux personnes mariées ; maintenant c’est en son nom qu’il parle aux autres, peut-être à ceux qui ne sont pas mariés. Pourtant ce n’est pas à eux puisqu’il ajoute : « Si l’un de nos frères a une femme infidèle et qu’elle consente à demeurer avec lui, qu’il ne se sépare point d’elle. » Il s’adresse donc encore à ceux qui sont mariés. Que signifient alors ces mots : aux autres, si ce n’est que plus haut il parlait aux époux qui étaient tous les deux dans la foi du Christ, tandis que les autres désignent les mariages où une des deux parties seulement est fidèle ? Et que leur dit,-il ? « Si l’un de nos frères a une femme infidèle et qu’elle consente à demeurer avec lui, qu’il ne se sépare point d’elle ; et si, une femme fidèle a un mari infidèle et qu’il consente à demeurer avec elle, qu’elle ne se sépare point de son mari. » Si donc il ne commande pas de la part du Seigneur, mais donne simplement un conseil en son nom, c’est que la chose est bonne en ce sens qu’on peut faire autrement sans violer un précepte ; comme il a dit peu après, en parlant des vierges, qu’il n’a point reçu de commandement du Seigneur, mais qu’il donne un conseil puis il fait l’éloge de la virginité, mais de telle façon qu’on peut l’embrasser librement, sans être réputé coupable pour ne l’avoir pas embrassée. Car autre chose est tin commandement, autre chose un conseil, autre chose une condescendance. On ordonne à la, femme de ne point se séparer de son mari, ou, si elle le fait, de ne point se remarier ou de se réconcilier avec son mari : il ne lui est donc pas permis d’agir autrement. On conseille à l’époux fidèle de ne point renvoyer une femme infidèle, si elle consent à demeurer avec lui : il lui est donc permis de la renvoyer, puisqu’il n’y ait ici qu’un conseil de l’Apôtre et non un ordre du Seigneur. On.conseilleà la vierge de ne point se marier : en se mariant elle ne suivra pas le conseil de l’Apôtre, mais elle ne blessera aucune loi. Il y a simplement tolérance, quand on dit : « Or je dis ceci par condescendance et non par commandement. » Donc, si, d’une part, il est permis de renvoyer une femme infidèle ; bien qu’il soit meilleur de ne pas le faire ; et si, d’autre part, d’après l’ordre du Seigneur, on.nepeut renvoyer une femme que pour cause de fornication : sans aucun doute par fornication il faut entendre l’infidélité.
45. En effet que dites-vous donc, saint Apôtre ? Évidemment vous engagez l’époux fidèle à ne point renvoyer sa femme infidèle, si elle consent à demeurer avec lui. Oui, répond-il. Mais puisque le Seigneur défend à l’homme de renvoyer sa femme, sauf le cas de fornication, pourquoi dites-vous : « Je dis moi et, non le Seigneur ? » En effet l’idolâtrie à laquelle se livrent les infidèles, et toute superstition coupable, est une fornication. Or le Seigneur a permis de renvoyer sa femme pour cause de fornication. Mais comme c’est une permission, et non un ordre, cela a donné lieu à l’Apôtre de conseiller de ne point renvoyer une femme infidèle, dans l’espoir peut-être qu’elle deviendra fidèle. « Car, nous dit-il, le mari infidèle est sanctifié par la femme fidèle, et la

  1. Lc. 8, 1