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enfin : « Il frémit en son esprit, il pleura et frémit encore » et ensuite : « Il cria d’une voix forte : Lazare, sors[1]. »

36. Ainsi donc par l’adultère mentionné dans ce chapitre, il faut entendre toute convoitise charnelle et déréglée. En effet quand l’Ecriture appelle si souvent l’idolâtrie fornication, et quand Paul donne à l’avarice le nom d’idolâtrie[2] ; qui peut douter qu’on ait raison d’appeler fornication toute convoitise coupable, alors que l’âme, au mépris de la loi supérieure qui la gouverne, se prostitue à des objets d’une nature inférieure et se souille, au prix de quelque honteuse volupté ? Que celui donc qui sent la délectation charnelle se révolter contre la bonne volonté par l’effet de l’habitude du péché, dont la puissance effrénée le réduit en esclavage, que celui-là se rappelle quelle paix il a perdue en péchant et qu’il s’écrie : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? la grâce de Dieu par Jésus-Christ[3]. » Car en proclamant ainsi son malheur, il implore avec larmes le secours du consolateur. Et ce n’est pas un médiocre progrès vers le bonheur que la connaissance de sa propre misère. Aussi bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés. »

==CHAPITRE XIII. L’ŒIL DROIT.==
37. Le Sauveur continue et dit : « Si ton œil droit te scandalise, arrache-le et jette-le loin de toi : car il vaut mieux pour toi qu’un de tes membres périsse, que si tout ton corps était jeté dans la géhenne. » Or il faut un grand courage pour couper ses membres. Quel que soit ici le sens du mot œil, il est certain qu’il indique l’objet d’une vive affection. En effet quand on veut exprimer l’extrême attachement que l’on a pour quelqu’un, on a coutume de dire : Je l’aime comme mes yeux, ou même plus que mes yeux. Et sans doute si on dit droit, c’est pour indiquer encore un amour plus violent. Car bien que l’on emploie généralement les deux yeux du corps pour voir, et qu’ils soient tous les deux également doués de cette faculté, on redoute cependant davantage de perdre l’œil droit. Le sens est donc : quel que soit l’objet que vous aimiez et l’aimassiez-vous à l’égal de votre œil droit, s’il vous scandalise, c’est-à-dire s’il est pour vous un obstacle au vrai bonheur, arrachez-le et jetez-le loin de vous. Car il vaut mieux pour vous qu’un objet auquel vous tenez autant qu’à vos membres, périsse, que si tout votre corps était jeté dans la géhenne.

38. Mais nous sommes obligés d’examiner de plus près ce que le Christ entend par œil, quand nous lisons ce qu’il dit ensuite, et dans le même sens, de la main droite : « Si ta main droite te scandalise, coupe-la et jette-la loin de toi : car il vaut mieux pour toi qu’un de tes membres périsse, que si tout ton corps était jeté dans la géhenne. » Dans cette question, je ne vois rien de mieux à dire si ce n’est que l’œil signifie ici l’ami le plus cher : car c’est bien là ce que nous pouvons appeler un membre, et un membre chéri ; et aussi un conseiller, parce qu’il est comme l’œil qui nous montre le chemin ; et conseiller pour les choses divines, puisqu’il est notre œil droit : 1'œil gauche, qui est aussi un conseiller, ne nous éclairant que sur les choses terrestres, sur tout ce qui tient aux besoins du corps. Or il n’était pas besoin de parler de celui-ci en cas de scandale, puisqu’alors on ne sait pas même épargner l’œil droit. Mais le conseiller nous scandalise dans les choses divines, quand il cherche à nous entraîner dans quelque pernicieuse hérésie sous prétexte de religion et de doctrine. Par conséquent, entendons, par main droite, un coopérateur aimé, un ministre pour les choses saintes ; en sorte que comme l’œil est l’organe pour voir, la main.soitl'instrument pour agir. Par main gauche, nous entendrons ce qui nous procure les choses nécessaires, en cette vie, aux besoins du corps.

==CHAPITRE XIV. DU MARIAGE SOUS LA LOI DE MOÏSE ET SOUS LA LOI DE GRACE.==

39. « Il a été dit aux anciens : Que celui qui renvoie sa femme, lui donne un acte de répudiation. » Voilà la justice moindre des pharisiens, que le Seigneur ne contredit point quand il ajoute : « Mais moi je vous le dis : Quiconque renvoie, sa femme hors le cas d’adultère, la rend adultère ; et quiconque épouse une femme renvoyée, commet un adultère. » En effet celui qui commande de donner un acte de répudiation, ne commande pas pour cela de renvoyer la femme ; mais en disant : « Que celui qui la renvoie, lui donne un acte de répudiation » il cherche à

  1. Jn. 11, 33-34
  2. Col. 3, 5 ; Eph, 5, 6
  3. Rom. 7, 24