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Dieu par la régénération de l’homme nouveau : « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils, seront appelés enfants de Dieu. » Et tout cela peut s’accomplir en cette vie, comme nous croyons que cela a eu lieu dans les apôtres[1]. Car il n’est pas possible de décrire par des paroles cette transformation en la forme angélique qui nous est promise pour l’autre vie. « Bienheureux donc ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce qu’à eux appartient le royaume des cieux. » Cette huitième sentence, qui revient à la première et montre l’homme parfait, est peut-être figurée et par la circoncision de l’ancienne loi, qui se faisait le huitième jour ; et parla résurrection du Seigneur, qui a eu lieu après le sabbat, c’est-à-dire le huitième jour, qui est en même temps le premier ; et par la célébration des deux octaves, que nous solennisons dans la régénération du nouvel homme, et parle nombre même du jour de la Pentecôte. En effet sept multiplié par sept donne quarante-neuf, à quoi on ajoute un huitième jour, pour compléter cinquante et revenir en quelque sorte au point de départ ; et c’est en ce jour qu’a été envoyé le Saint-Esprit, par quinoas sommes conduits au royaume des cieux, de qui nous recevons l’héritage, qui nous console, nous nourrit, nous fait miséricorde, nous purifie, et nous pacifie ; en sorte que, devenus parfaits, nous supportons pour la vérité et la justice les persécutions qui viennent du dehors.


CHAPITRE V. SOUFFRIR POUR LA JUSTICE ET POUR JÉSUS-CHRIST.

13. « Vous serez bienheureux lorsque les hommes vous maudiront et vous persécuteront et diront faussement toute sorte de mal de vous à cause de moi. Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux. » Que quiconque cherche dans la profession du christianisme les joies de ce monde et la possession des biens temporels sache que notre bonheur est au dedans ; ainsi que le prophète l’a prédit de l’âme fidèle, fille de l’Eglise : « Toute la beauté de cette fille du Roi est intérieure[2] » car au-dehors on ne nous promet que malédictions, persécutions et calomnies. Cependant, tout cela aura dans le ciel une grande récompense, que goûtent déjà intérieurement ceux qui sont patients, ceux qui peuvent dire : « Nous nous glorifions dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience ; la patience, la pureté ; « et la pureté, l’espérance. Or l’espérance ne confond point, parce que la charité de Dieu est répandue en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[3]. » En effet il ne suffit pas de souffrir ces tribulations pour en recueillir le fruit ; mais il faut les supporter pour le nom du Christ, non seulement avec patience, mais avec joie. Car beaucoup d’hérétiques, séduisant les âmes sous l’apparence du christianisme, endurent des épreuves de cette sorte ; néanmoins ils n’ont aucune part à la récompense, parce qu’il n’est pas dit seulement : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution » mais qu’on ajoute : « pour la justice. » Or où la foi n’est pas saine, il ne peut y avoir de justice, parce que la justice vit de foi[4]. Que les schismatiques ne se flattent point non plus d’obtenir cette récompense ; parce que la justice ne peut pas être là où n’est pas la charité ; car l’amour du prochain n’opère pas le mal[5], et s’ils l’avaient, Ils ne déchireraient point le corps du Christ, qui est l’Eglise[6].
14. On peut demander quelle différence il y a entre ces mots : « Lorsque les hommes vous maudiront » et ceux-ci : « Lorsqu’ils diront toute sorte de mal de vous » puisque maudire n’est pas autre chose que dire du mal. Mais autre chose est de lancer une malédiction accompagnée d’injures, à la face d’une personne présente, comme quand les Juifs disaient à notre Seigneur : « Ne disons-nous pas avec raison que vous êtes un Samaritain et qu’un démon est en vous[7] ? » autre chose, de blesser la réputation d’un absent, ainsi que nous le lisons à l’égard du même Sauveur : « Les uns disaient : c’est un prophète ; mais d’autres disaient : non, car il séduit le peuple[8]. » Poursuivre, c’est faire violence ou tendre des embûches, comme l’ont fait celui qui a livré Jésus et ceux qui l’ont crucifié. Et comme on n’a pas dit simplement : « Et diront toute sorte de mal de vous,» mais qu’on a ajouté : « faussement » on a aussi ajouté : « à cause de moi » en vue je pense, de ceux qui cherchent à se glorifier des persécutions et de l’opprobre jeté sur leur nom, et prétendent appartenir au Christ, parce qu’on dit beaucoup de mal d’eux, tandis qu’on n’exprime que la vérité quand on parle de leur erreur et que si peut-être on y mêle quelques faussetés (ce qui arrive ordinairement par suite de la légèreté humaine) tout au moins ils ne souffrent

  1. Ret. 1, ch. XIX. n. 1.
  2. Ps. 44, 14
  3. Rom. 5, 3, 5
  4. Héb. 2,4, Rom. 1, 17
  5. Rom. 13, 10
  6. Col. 1, 24
  7. Jn. 8, 48
  8. Ib. 7, 12