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stérile, mais sur une terre qui pût rapporter du fruit ! C’est donc après cela qu’il se dit la lumière du monde, et qu’il assure que ceux qui le suivront ne marcheront point dans le% ténèbres, mais qu’ils auront la lumière de la vie. Il affirme aussi qu’il est le principe, lui, qui leur parle. Par ces paroles, il établit une différence essentielle entre lui, lumière éternelle par laquelle tout a été fait, et la lumière qu’il a faite. Quand donc il se disait la lumière du monde, il parlait dans un autre sens que quand il disait à ses apôtres : « Vous êtes la lumière du monde. » Les apôtres n’étaient que le flambeau qui ne doit pas être mis sous le boisseau mais sur le chandelier[1] ; saint Jean le précurseur n’était lui-même que la lampe ardente et luisante[2] ; quant à Jésus il est le principe dont il est dit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude[3]. » Jésus affirme aussi qu’il est le Fils, la Vérité ; et qu’en dehors de la liberté qu’il donne il n’y a pas de liberté véritable[4].

18. À l’occasion de la guérison de l’aveugle-né, saint Jean nous rapporte longuement les paroles que Jésus prononça sur les brebis, sur le pasteur, sur la porte, sur le pouvoir qu’il avait de donner sa vie et de la reprendre, puissance dans laquelle brille au plus haut point sa divinité. Ensuite il nous apprend que les Juifs dirent à Jésus pendant les fêtes de la Dédicace à Jérusalem : « Jusques à quand tiens-tu notre âme dans l’indécision ? Si tu es le Christ, dis-le-nous clairement. » À cette question quelle sublime réponse ! Jésus dit : « Moi et mon Père nous sommes un. » Plus tard, au moment de la résurrection de Lazare, il s’écrie : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra ; tout homme qui vit et croit en moi, ne mourra jamais. » Que chercherions-nous ici autre chose que la révélation de sa divinité, dont la participation nous fera vivre éternellement ? Saint Jean vient ensuite, à Béthanie, à la rencontre de saint Matthieu et de saint Marc[5] ; c’est là que des parfums furent versés par Marie-Magdeleine sur les pieds et sur la tête de Jésus[6]. À partir de ce moment jusqu’à la passion et la résurrection, les trois Évangélistes marchent de concert et parcourent les mêmes lieux.

19. Du reste, toutes les fois qu’il s’agit des discours du Sauveur, saint Jean ne cesse de s’élever à des auteurs où il plane longtemps. Quand les Gentils témoignent, par l’intermédiaire de Philippe et d’André, le désir de. le voir, Jésus saisit alors l’occasion de prononcer un profond discours, que saint Jean seul nous rapporte ; il y est de nouveau question de la lumière qui répand ses rayons et crée les enfants de la lumière[7]. De plus, à l’occasion de la cène dont tous les évangélistes ont parlé, quelles belles et sublimes paroles prononcés par Jésus et que saint Jean seul nous fait connaître ! C’est non-seulement l’humilité à l’occasion du lavement des pieds ; mais, quand après le repas le traître a disparu, et qu’il ne reste plus avec lui que les onze apôtres fidèles, quel long, admirable et saisissant discours saint Jean nous rapporte ! C’est là que nous trouvons cette parole : « Celui qui me voit, voit aussi mon Père ; » c’est là que Jésus parle longuement du Saint-Esprit, qu’il devait leur envoyer ; de la gloire dont il jouissait en son Père avant la création du monde ; de l’unité qu’il veut former avec nous, comme il ne fait qu’un avec son Père ; il ne dit pas que lui, son Père et nous, nous ne devons faire qu’un, mais que nous devons être un comme lui et son Père sont un. Et puis combien d’autres choses non moins profondes et non moins admirables dont ne nous pourrions parler convenablement dans cet ouvrage, en fussions-nous capables ; puisque nous l’avons entrepris dans un autre dessein[8] ! Nous pourrons le faire ailleurs ; il ne faut pas y aspirer ici. Voici seulement ce que nous voulons rappeler à ceux qui aiment la parole de Dieu et qui recherchent la sainte vérité. Quoique saint Jean, dans son Évangile, ait annoncé et fait connaître le Christ véritable et véridique dont les trois autres évangélistes ont écrit la vie et dont les autres Apôtres, sans avoir entrepris de faire son histoire, n’ont pas moins publié les grandeurs comme l’exigeait leur ministère ; cependant après s’être élevé bien plus haut qu’eux dès le début de son Évangile, il ne se rencontre que rarement avec eux dans le cours de son ouvrage. C’est premièrement quand il s’agit du témoignage rendu parle Précurseur sur les rives du Jourdain ; secondement au-delà de la mer de Tibériade, quand Jésus nourrit la foule avec les cinq pains et sur les eaux ; troisièmement, à Béthanie, où une femme fidèle répand sur lui des parfums précieux. Ainsi arrive-t-il avec eux à la passion, où tous devaient

  1. Mat. 6, 14-15
  2. Jn. ##Rem 35
  3. Id. 1, 16
  4. Id. 8, 1, 36
  5. Mat. 26, 6-13. Mrc. 14, 3-9
  6. Jn 9, 1 ; 12, 8
  7. Jn. 12, 20-50
  8. Id. 13, XVIII