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saisies de crainte et transportées de joie, et elles coururent porter ces nouvelles à ses disciples. Et voilà que Jésus se présenta à elles et leur dit : Je vous salue. Et elles s’approchèrent de lui, embrassèrent ses pieds et l’adorèrent. Alors Jésus leur dit : Ne craignez point : « allez, dites à mes frères qu’ils se rendent en Galilée : c’est là qu’ils me verront. Quand et les furent parties, quelques-uns des gardes vinrent à la ville et rapportèrent aux princes des prêtres tout ce qui s’était passé. Et s’étant assemblés avec les anciens, et ayant délibéré ensemble, ils donnèrent une grosse somme d’argent aux soldats et leur dirent : Publiez que ses disciples sont venus la nuit, et l’ont dérobé pendant que vous dormiez. Si cela vient à la connaissance du gouverneur, nous l’apaiserons et nous vous mettrons en sûreté[1]. » Saint Marc raconte le même fait[2]. Mais on peut demander comment, selon saint Matthieu, l’ange se tenait assis sur la pierre du sépulcre après qu’elle eut été renversée. En effet, saint Marc nous dit que les saintes femmes entrèrent dans le sépulcre et y virent un jeune homme assis, vêtu d’une robe blanche, et qu’elles furent saisies d’étonnement. On peut d’abord supposer que saint Matthieu ne dit rien de ce second ange qu’elles virent en entrant, et que saint Marc ne dit rien de celui qu’elles virent assis hors du tombeau. Dans cette interprétation il faudrait admettre la présence de deux anges, qui tous deux leur parlèrent de Jésus, l’un assis en dehors sur la pierre et l’autre assis à droite du sépulcre dans l’intérieur du tombeau. Au moment où elles allaient entrer, l’ange qui était assis au-dehors les encouragea en ces termes : « Venez et voyez le lieu où le Seigneur avait été placé. » Etant donc entrées, elles virent l’autre ange dont saint Matthieu ne parle pas et qui, selon saint Marc, était assis à droite et devait leur adresser à peu près le même lamage. Quoi qu’il en soit, il est certain que la pierre dans laquelle avait été creusé l’endroit de la sépulture, était précédée d’une sorte de barrière à travers laquelle on arrivait au tombeau ; de cette manière l’auge que saint Marc nous représente assis à droite du sépulcre peut fort bien être celui que saint Matthieu nous représente assis sur la pierre que le tremblement de terre avait renversée à l’entrée du tombeau c’est-à-dire du sépulcre qui était creusé dans la pierre.

64. On peut aussi se, demander comment saint Marc a pu dire, en parlant des saintes femmes n Elles s’enfuirent hors du tombeau ; car la crainte et la frayeur les avait saisies ; elles ne parlèrent à personne parce qu’elles étaient tremblantes de crainte. » Saint Matthieu dit, au contraire : « Elles sortirent aussitôt du sépulcre, saisies de crainte et d’une grande joie et coururent tout annoncer aux disciples. » Mais il nous semble que l’on concilie parfaitement ces deux passages, en admettant que ces femmes n’osèrent rien répondre à ce que les anges leur disaient, ni rien dire aux gardiens qu’elles voyaient morts de frayeur. Quant à cette joie dont parle saint Matthieu, elle peut se concilier facilement avec la crainte dont parle saint Marc nous devons admettre que ces deux sentiments envahirent simultanément leur cœur, lors même que saint Matthieu ne parlerait pas de la crainte, ce qui n’est pas ; car il dit expressément : « Elles sortirent aussitôt du sépulcre saisies de crainte et d’une grande joie. » Cette question est ainsi parfaitement résolue.

65. Il y a aussi à examiner une importante question relative à l’heure de l’arrivée des femmes au tombeau. Voici le texte de saint Matthieu : « Le soir du sabbat, lorsque le premier jour de « la semaine suivante commençait à luire, Marie-Magdeleine et l’autre Marie vinrent pour visiter le sépulcre. » Saint Marc dit au contraire : « Et le premier jour de la semaine, de grand matin, elles viennent au tombeau, au moment où le soleil se levait. » Les deux autres Évangélistes, saint Luc et saint Jean formulent la même pensée : « De grand matin », dit saint Luc ; « Le matin, quand les ténèbres régnaient encore », dit saint Jean. C’est absolument le sens de ces paroles de saint Marc : « De grand matin, quand le soleil se levait », c’est-à-dire, quand le ciel commençait à blanchir du côté de l’Orient ; c’est ce qui a lieu à l’approche du soleil, quand se produit le phénomène de l’aurore. Saint Jean a donc pu dire : « Quand les ténèbres régnaient encore », car ce n’est qu’à mesure que le soleil monte à l’horizon, que les ténèbres se dissipent insensiblement et disparaissent. Ces paroles : « De grand matin », ne doivent donc pas s’entendre en ce sens que le soleil eût déjà été sur la terre. C’est ainsi que nous parlons quand nous voulons que quelque chose se fasse de très-bonne heure. Si nous disons le matin, nous entendons que ce soit avant que le soleil

  1. Mat. 28, 1-15
  2. Mrc. 16, 1-11