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princes des prêtres et les anciens du peuple, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit : N’entends-tu pas de combien de choses on t’accuse ? Mais il ne fit aucune réponse à ce qu’il put lui dire, en sorte que le gouverneur en était tout étonné. Ce dernier avait coutume, au jour de la fête, de remettre au peuple celui des prisonniers qu’ils voulaient. Or, il y en avait alors un fameux, nommé Barabbas. Comme ils étaient donc tous assemblés, Pilate leur dit : Lequel voulez-vous que je vous délivre, de Barabbas, ou de Jésus qui est appelé le Christ ? Car il savait bien que c’était par envie qu’ils l’avaient livré. Or, pendant qu’il était assis sur son tribunal, sa femme toi envoya dire : Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste, car j’ai été aujourd’hui étrangement tourmentée en songe à son sujet. Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent au peuple de demander Barabbas et de faire mourir Jésus. Alors le gouverneur reprenant la parole, leur dit : Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ? Mais ils répondirent : Barabbas. Pilate répartit : Que ferai-je donc de Jésus, qui est appelé le Christ ? Ils répondirent tous : Qu’il soit crucifié. Le gouverneur leur répliqua : Mais quel mal a-t-il fait ? Et ils se mirent à crier encore plus fort : Qu’il soit crucifié. Pilate voyant qu’il ne gagnait rien et que le tumulte croissait de plus en plus, se fit apporter de l’eau, et se lavant les mains devant le peuple, il leur dit : Je suis innocent du sang de ce juste, c’est votre affaire. Et tout le peuple de répondre : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants. Alors il leur délivra Barabbas, et ayant fait flageller Jésus, il le leur abandonna pour être crucifié. » C’est ainsi que saint Matthieu raconte la conduite de Pilate à l’égard du Seigneur[1].

33. Saint Marc rapporte les mêmes événements et à peu près dans les mêmes termes. Quant aux paroles adressées par Pilate à la multitude demandant la délivrance d’un prisonnier, les voici telles que saint Marc les rapporte : « Pilate leur répondit : Voulez-vous que je délivre le Roi des Juifs ? » Saint Matthieu avait dit : « La foule s’étant rassemblée, Pilate leur dit : Lequel voulez-vous que je vous délivre, de Barabbas ou de Jésus qui est appelé le Christ ? » On ne voit pas ici qu’il y ait eu une demande formulée par le peuple pour obtenir la délivrance d’un prisonnier, mais ce n’est pas une difficulté ; seulement on peut se demander lequel de saint Matthieu ou de saint Marc rapporte exactement les paroles de Pilate. Il semble en effet que ces mots : « Qui voulez-vous que je vous délivre, de Barabbas on de Jésus qui est appelé le Christ ? » soient bien différents de ceux-ci : « Voulez-vous que je vous délivre le Roi des Juifs ? » Mais cette différence n’est qu’apparente. En effet, tous les rois étaient appelés Christs ou oints, et quelle que soit l’expression, il est clair que Pilate leur demanda s’ils voulaient qu’on leur remît le Roi des Juifs ou le Christ. Qu’importe que saint Marc ait tu le nom de Barabbas ! Il lui suffisait de raconter ce qui concernait le Seigneur. Du reste on voit suffisamment, dans leur réponse, que le choix leur avait été proposé entre Barabbas et Jésus : « Les pontifes, dit saint Marc, soulevèrent la foule dans le but d’obtenir la délivrance de Barabbas ; » il ajoute : « Pilate leur répondit : Que voulez-vous donc que je fasse du roi des Juifs ? » Ceci prouve évidemment que saint Marc, en parlant du Roi des Juifs, exprimait la même pensée que saint Matthieu en disant : « Le Christ. » C’était seulement chez les Juifs que les rois étaient nommés Christs ; et en effet, dans le même passage, saint Matthieu ajoute : « Pilate leur dit : Que ferai-je donc de Jésus qui est appelé le Christ ? » Mais voici la suite de saint Marc : « Ils s’écrièrent de nouveau : Crucifie-le. » Saint Matthieu avait dit : « Tous s’écrient : Qu’il soit crucifié. » Saint Marc : « Or Pilate leur disait : Quel mal a-t-il donc fait ? Mais ils criaient encore plus fort : Crucifie-le. » Saint Matthieu ne parle pas de cette insistance ; il ajoute seulement : « Pilate voyant qu’il n’obtenait rien et que le tumulte allait toujours croissant. » Il ajoute aussi que Pilate se lava les mains en présence du peuple afin d’attester qu’il était innocent du sang du juste. Ce fait n’est rapporté ni par saint Marc ni par aucun autre évangéliste ; mais on voit que dans ta pensée de saint Matthieu, Pilate n’en agit ainsi que dans le but d’obtenir plus facilement la délivrance de Jésus. On trouve la même idée dans ces paroles de saint Marc : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Enfin le même évangéliste conclut : « Pilate voulant satisfaire le peuple, leur remit Barabbas ; et après avoir fait flageller Jésus il le leur abandonna pour le crucifier. » C’est ainsi que Saint Marc rapporte ce qui se passa au prétoire[2].

  1. Mat. 27, 11-26
  2. Mrc. 15, 2-15