Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE LXVIII. FIGUIER MAUDIT.

130. Saint Matthieu continue ainsi : « Et des aveugles et des boiteux s’approchèrent de lui dans le temple, et il les guérit. Mais les princes des prêtres et les Scribes, voyant les merveilles qu’il faisait, et les enfants qui criaient dans le temple et disaient : Hosanna au fils de David, s’indignèrent et lui dirent : Entendez-vous ce que disent ceux-ci ? Jésus leur répondit : Oui. « N’avez-vous jamais lu : C’est de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle, que vous avez tiré la louange la plus parfaite ? Et les ayant quittés, il s’en alla hors de la ville, à Béthanie, et s’y arrêta. Le lendemain matin, comme il revenait à la ville, il eut faim. Or apercevant un figuier près du chemin, il s’en approcha, et n’y trouvant rien que des feuilles, il lui dit : Que jamais fruit ne naisse de toi à l’avenir. Et à l’instant le figuier sécha. Ce qu’ayant vu, les disciples s’étonnèrent, disant Comment a-t-il séché sur le champ ? Alors Jésus, prenant la parole, leur dit : En vérité, je vous le déclare, si vous avez de la foi, et que vous n’hésitiez point, non-seulement vous ferez comme à ce figuier, mais môme si vous, dites à cette montagne : Lève-toi, et jette-toi à la mer, cela se fera : et tout ce que vous demanderez avec foi dans la prière, vous l’obtiendrez[1]. »

131. Nous retrouvons le môme fait dans saint Marc, mais il n’y est point raconté dans le même ordre. D’abord saint Matthieu fait entrer Jésus dans le temple, d’où il chasse les vendeurs et les acheteurs : saint Marc, sans parler de cette circonstance, dit qu’ayant regardé toutes choses, comme le soir était venu, il se retira à Béthanie avec les douze. Le lendemain, comme il sortait de Béthanie, il eut faim, et maudit le figuier c’est ce que dit saint Matthieu ; mais saint Marc ajoute qu’étant vent à Jérusalem et étant entré dans le temple, il en chassa les vendeurs et les acheteurs, comme si le fait avait eu lieu ce jour-là et non la veille[2]. Saint Matthieu précise mieux la suite des événements : « Et les ayant quittés, dit-il, il s’en alla hors de la ville à Béthanie, et s’y arrêta ; » et c’est en revenant le lendemain à la ville, qu’il maudit le figuier. C’est donc saint Matthieu qui parait avoir mieux fixé le moment véritable où les acheteurs furent chassés du temple. En effet, lorsqu’il dit : « Et les ayant quittés, il s’en alla dehors », ces mots : « les ayant quittés », ne peuvent s’entendre que de ceux à qui il venait de parler, et qui s’indignaient d’entendre les enfants crier : « Hosanna au fils de David. » Saint Marc a donc passé sous silence ce qui avait eu lieu le premier jour, lorsque Jésus entra dans le temple ; mais se l’étant ensuite rappelé, il le raconte après avoir dit que Jésus n’avait trouvé sur le figuier que des feuilles ; ce qui arriva le second jour, comme tous deux l’affirment. L’étonnement des disciples à la vue de l’arbre desséché, et la réponse du Seigneur sur la foi qui transporte les montagnes, ne se rapportent point au second jour, où il est dit à l’arbre : « Que jamais personne ne mange plus de fruit venant de toi ; » mais bien au troisième jour. En effet, le même saint Marc fait au second jour l’histoire des vendeurs chassés du temple, laquelle appartient évidemment au premier. Et en ce même jour il dit expressément que, le soir étant venu, Jésus sortit de la ville, et comme le lendemain matin ses disciples passaient, ils virent le figuier desséché jusqu’à la racine ; c’est alors que Pierre se souvenant de ce qui s’était passé, dit au Seigneur : « Maître, comme a séché le figuier que vous avez maudit ! » Alors Jésus lui parla de la puissance de la foi. D’après saint Matthieu on pourrait croire que tout ceci s’est passé le second jour, quand il fut dit à l’arbre : « Jamais fruit ne naîtra de toi à l’avenir ; » qu’à l’instant cet arbre sécha, et que, comme les disciples le voyaient et s’en étonnaient, ils entendirent immédiatement la réponse sur la puissance de la foi. Il faut conclure de tout ceci que saint Marc a rapporté au second jour ce qu’il avait omis dans le récit du premier, l’histoire des vendeurs et des acheteurs chassés du temple. Saint Matthieu, de son côté, ayant dit que le figuier avait été maudit le second jour, quand le matin Jésus retournait de Béthanie à la ville, passe sous silence ce qu’ajoute saint Marc, savoir que le Seigneur vint encore à la ville, qu’il en sortit de nouveau le soir, et que le lendemain matin, en passant, les disciples s’étonnèrent de voir cet arbre desséché. Mais ayant rapporté ce qui avait eu lieu le second jour, la malédiction prononcée contre le figuier, il ajoute immédiatement ce qui n’eut lieu que le troisième, l’étonnement des disciples

  1. Mat. 21, 14-22
  2. Mrc. 11, 11-17